La décision au Malawi de fermer les entreprises chinoises situées à l extérieur des quatre grandes villes a été considérée comme xénophobe par des organisations de défense des droits humains.
Cette décision émane d une nouvelle loi mise en vigueur depuis le 31 juillet qui interdit aux étrangers de faire du commerce dans les zones périphériques et rurales du Malawi.
La Loi sur les investissements et la promotion des exportations exige que les commerçants se déplacent vers les grandes villes de ce pays d'Afrique australe de Lilongwe, Blantyre, Zomba et de Mzuzu. Cette loi est une tentative pour protéger les petites entreprises locales de la concurrence des commerçants étrangers.
Deux grandes organisations de défense des droits civils, le Centre pour le développement des personnes et le Centre de réadaptation des droits humains (CHRR), ont prévenu le gouvernement du Malawi contre l encouragement de la persécution des commerçants étrangers.
"Nous sommes préoccupés par les sentiments croissants de xénophobie et d attaques contre les ressortissants étrangers qui font légalement des affaires à travers le pays", a déclaré à IPS, Undule Mwakasungula, le directeur exécutif du CHRR. Il a affirmé que la façon dont les commerçants chinois sont traités est en violation de leurs droits humains.
"Le Malawi ne devrait pas être en train de perpétrer des attaques xénophobes contre des ressortissants étrangers sous prétexte de protéger les intérêts des entreprises locales".
La nouvelle législation est sortie immédiatement après que les commerçants du Malawi, dans certaines zones rurales, se sont regroupés en mai et ont convaincu les autorités locales d obliger les commerçants chinois à quitter. Les protestations ont commencé d abord à Karonga, une ville animée dans le nord du Malawi, frontalière avec la Tanzanie, et se sont plus tard étendues à tous les 28 districts du pays.
Bien qu'il n'existe pas encore de chiffres officiels quant au nombre de commerçants étrangers qui se sont conformés à la nouvelle loi, IPS a confirmé que dans sept des 28 districts du pays, les commerçants chinois ont fermé leurs entreprises.
Ils doivent désormais demander de nouvelles licences pour faire du commerce dans les quatre villes indiquées. Mais bon nombre peuvent ne pas être qualifiés, puisque la nouvelle loi oblige les investisseurs à déposer au minimum 250.000 dollars dans la Banque centrale du Malawi comme capital de démarrage.
John Bande, ministre du Commerce du Malawi, a déclaré que la nouvelle législation était destinée à réglementer l'investissement étranger.
"La nouvelle loi décrit clairement les types d'entreprises dans lesquelles les investisseurs étrangers seront autorisés à opérer. Nous n'accepterons pas que les étrangers viennent directement des endroits comme la Chine pour ouvrir de petites entreprises et boutiques dans les zones rurales de ce pays et concurrencer les commerçants locaux", a souligné Bande à IPS.
Mais Mwakasungula a affirmé que le principal défi auquel les entreprises locales sont confrontées était qu'elles manquaient de la puissance financière et technique pour concurrencer favorablement les Chinois. Il a indiqué que c'était déraisonnable pour le gouvernement de recourir à une telle décision drastique.
Il n'est pas réaliste que le gouvernement pense qu en empêchant les commerçants étrangers de faire des affaires, cela renforcera automatiquement les entreprises gérées par des locaux, a-t-il dit.
Il n'existe pas de chiffres officiels sur le nombre de commerçants chinois ou étrangers au Malawi. Toutefois, les boutiques, restaurants et pavillons gérés par des Chinois poussent à travers le pays depuis 2007, lorsque le Malawi a établi des relations diplomatiques avec la Chine. Le pays venait d'abandonner ses 41 ans de rapports avec Taiwan en faveur du géant économique.
La Chine est devenue le principal partenaire économique du Malawi depuis lors. Selon des statistiques obtenues du ministère du Commerce du Malawi, les volumes des échanges commerciaux du pays ont grimpé au niveau record de 100 millions de dollars en 2011, une augmentation de 400 pour cent à partir de 2010.
Les deux pays ont conclu un accord en 2008 sur des questions d'industrie, des échanges commerciaux et d'investissement. Il engage la Chine à accroître la capacité productive du Malawi, dans les secteurs du tabac, du coton, de l'exploitation minière, la foresterie et la production d'engrais, entre autres.
La Chine a également donné au Malawi 260 millions de dollars sous forme de prêts concessionnels, de subventions et d'appui au développement. Cette année, le premier hôtel cinq étoiles a ouvert ses portes. Il comprend 14 suites présidentielles somptueuses et un centre de conférence de pointe, et a été construit par le gouvernement chinois.
En avril 2012, l investissement direct de la Chine en Afrique a dépassé 15,4 milliards de dollars, selon des statistiques de l'ambassade de Chine au Malawi.
Mais les Malawiens ordinaires ne sont pas contents de l'influence que les Chinois ont sur l'économie du pays.
Ellen Mwagomba, qui a été à l'avant-garde des protestations contre les commerçants chinois à Karonga, y gère une épicerie depuis 2003. Elle a déclaré à IPS que les ventes ont chuté dans sa boutique en 2008, lorsque les Chinois ont commencé à faire le commerce dans le domaine.
Cet endroit est une véritable ruche puisque c'est une zone frontalière. Les affaires étaient habituellement bonnes jusqu'au moment où les Chinois nous ont envahis, amenant des produits bon marché et emportant nos clients, a indiqué Mwagomba.
Elle a dit que son épicerie ne marche pas à cause des commerçants chinois, puisqu ils appliquent le quart du prix que les commerçants locaux demandent pour leurs produits.
"Les produits que je vends proviennent de l'industrie locale et d'Afrique du Sud, et sont de bonne qualité; ils ne sont pas très bon marché. Mais les gens préfèrent plutôt aller vers les produits chinois moins coûteux, qui sont aussi de qualité inférieure", a affirmé Mwagomba.
Elle a affirmé que les consommateurs préféraient acheter les produits chinois, afin de maximiser leur pouvoir d'achat. Jusqu'à 74 pour cent de la population au Malawi vit avec moins de 1,25 dollar par jour.