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Pour Emile van Zyl, expert en biocarburants, les projets africains de bioénergie doivent mettre l accent sur les nouvelles technologies et bénéficier d un meilleur soutien politique.
L'Afrique dispose d'un potentiel immense de production d'énergie à partir de la biomasse, notamment grâce aux technologies dites de 'deuxième génération' qui transforment les matières ligneuses ou herbeuses - y compris les déchets agricoles - en biocarburants.
L'Afrique peut potentiellement produire autant de biomasse végétale que n'importe quel autre continent, et bien plus que la quantité nécessaire pour subvenir à ses propres besoins essentiels et alimentaires. En théorie, ce continent pourrait ainsi remplacer ses demandes en combustibles fossiles de transport par des biocarburants renouvelables tout en restant un exportateur net de biocarburants. En effet, une étude réalisée en 2007 a estimé que d'ici 2050, l'Afrique pourrait fournir un quart de la bioénergie dans le monde grâce à l'utilisation des technologies de deuxième génération.
Si l'Afrique devait s'engager dans la course aux énergies renouvelables et réaliser ce potentiel, ces énergies pourraient non seulement réduire la dépendance pétrolière du continent engendrant de ce fait économies de devises et une stabilité politique qui lui fait tant défaut -- mais également améliorer sa sécurité alimentaire et énergétique, soutenir son secteur industriel, réduire les gaz à effet de serre et promouvoir la restauration des sols.
Cela contribuerait également à la réduction de la pauvreté en favorisant l'accès à l'énergie dans les zones rurales, l'accroissement de la production agricole locale, l'accès des agriculteurs à des marchés et à des revenus supplémentaires et la création d'emplois. La Stratégie de Biocarburants industriels de l'Afrique du Sud de 2007 a ainsi prédit que même une production modeste de 400 millions de litres de biocarburant par an créerait 25.000 emplois supplémentaires.
La léthargie politique
Pourtant, les efforts actuels de l'Afrique visant à promouvoir les biocarburants vont dans la mauvaise direction -- avec des projets mettant l'accent sur les cultures vivrières, ou fondées sur des alternatives mal documentées.
La plupart des projets africains se concentrent en effet sur les biocarburants de première génération produits à partir des cultures comme la canne à sucre ou le jatrophe. Si ces cultures sont sans aucun doute indispensables pour la création d'une industrie de biocarburants, elles présentent néanmoins des limites inhérentes, par exemple une nécessaire forte consommation en eau ou l'avancée limitée des travaux de recherche dans ce domaine.
Les biocarburants de deuxième génération, en revanche, favoriseraient l'utilisation des résidus agricoles et d'espèces végétales exotiques envahissantes, ainsi que celle des cultures non alimentaires à haut rendement pouvant être cultivées sur des terres plus marginales ou dégradées.
Si les priorités de recherche mal ciblées entravent les efforts de l'Afrique en matière de bioénergie, le manque de volonté politique y participe aussi.
Au cours des années 1980, le Brésil et l'Afrique du Sud ont tous deux encouragé la production de biocarburants. Alors que le Brésil est aujourd'hui le deuxième producteur mondial de biocarburants, la production de l'Afrique australe reste dérisoire, s'élevant à moins de 5 pour cent des 20 milliards de litres que le Brésil produirait cette année, selon les prédictions.
Comment expliquer une telle différence ? Très tôt, le gouvernement brésilien a accordé des subventions et des allégements fiscaux importants aux agriculteurs, aux distillateurs et aux fabricants de véhicules dans le cadre de son Programme ProAlcool. Et en finançant un réseau de distribution pour assurer la disponibilité du biocarburant dans les stations-services, accompagné d'une politique de maintien des prix de l'alcool, le Brésil a su encourager son adoption par les consommateurs.