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Elles ne peuvent pas le faire seules. Il faut un régulateur en mesure de récupérer des données entreprise par entreprise afin de mieux appréhender l'exposition au système dans son ensemble et d'identifier les points chauds.

La réforme de Wall Street va dans le sens de la nomination d'un régulateur dédié à la supervision des risques de l'ensemble du système.

"Une des raisons du décalage entre l'innovation financière et la mise en Suvre de stratégies compensatoires de risque est la réticence des opérateurs à partager ce qu'ils considèrent comme des renseignements exclusifs avec les autres, même au sein d'une même société ", dit le Dr C.H. Ted Kong, consultant en titrisation des hypothèques et président de Beyondbond, un cabinet de conseil financier à New York.

Et il ajoute que c'est parce que l'activité de gestion des risques est un centre de coûts, et pas un centre de profit pour les banques, qu'elle n'obtient pas le respect qu'elle mérite.

Les progrès les plus visibles dans la gestion des risques se situent dans le domaine des produits dérivés tels que les swaps de défaut de crédit (CDS). La concentration du risque a conduit le géant de l'assurance AIG au bord du défaut sur ses obligations à demander un plan de sauvetage massif du gouvernement. Ce qui a fourni un argument convaincant en faveur de la possibilité de négocier les CDS non plus sur des marchés non réglementés (OTC, ou de gré-à-gré), mais sur des chambres de compensation centrales, qui apportent une garantie aux deux parties d'une transaction et qui réduisent fortement le risque de défaut des contreparties.

Le 10 septembre dernier, JPMorganChase et 14 autres négociants de swaps ont accepté de traiter en proportion plus importante sur les chambres de compensation. De plus, la normalisation des swaps nécessaire à la négociation et aux échanges créerait davantage de liquidité dans le marché des swaps. Le groupe CME et l'IntercontinentalExchange ouvrent la voie vers la centrale de compensation pour ce type d'opérations. Il est également prévu d'imposer davantage de frais de marché aux traders qui continuent à traiter sur des swaps sur mesure dans des marchés de gré-à-gré.

Des efforts sont également faits dans la manière de rajouter des contraintes sur l'indemnisation des banquiers, afin de réduire les pratiques à risque. Les banquiers centraux et les ministres des finances des pays du G20 réclament maintenant des normes mondiales qui comprennent des dispositions de réaffectation des bonus lorsque les stratégies de négociation sont en mesure de générer une perte d'argent substantielle, et la mise en place de mesures de performance à plus long terme. Dans son discours, Obama a dit aux régulateurs de Wall Street que les primes des dirigeants doivent être soumises à un vote des actionnaires cette année.

Marquer les produits financiers avec des codes-barres.

Parmi les choses pour lesquelles le Groupe des Trente, dont le comité de direction de la réforme financière est présidée par Paul Volcker, fait pression, on note le fait que les conseils d'administration soient fortifiés par plus d'engagement de la part des membres indépendants du secteur financier et la promotion d'une expertise en matière de gestion du risque.

Pour Bookstaber, la gestion des risques commence par l'identification des actifs et des positions avec effet de levier des acteurs majeurs. Une étape importante pour changer la façon dont est géré le risque systémique, serait d'avoir un régulateur en mesure de récupérer les données des entreprises afin de mieux appréhender l'exposition totale que les banques et les hedge funds ont et de pouvoir agréger ces informations en vue d'en identifier les "points chauds et les accumulations".

Bookstaber a proposé le suivi de la concentration des investisseurs par actif ou par stratégie en marquant les produits financiers avec des codes-barres, de la même façon que l'industrie alimentaire les utilise pour identifier les produits contaminés et les suivre.

Bookstaber suggère également de mettre en place une charge de liquidité sur les actifs qui restent dans les stocks bancaires trop longtemps, ce qui les forcerait à les déstocker et donnerait un sens aux prix  pratiqués. " Si une telle sanction avait existé en 2005 et 2006 ", dit-il, " la crise de l'an dernier aurait pu être évitée ".

Les propositions que le Département du Trésor des Etats-Unis,  le Groupe des Trente et le centre pour la recherche de politiques économiques ont faites en vue d'améliorer la surveillance des risques, soulignent que c'est aux autorités de réglementation de s'assurer que les règles décourageant les sociétés financières de prendre des risques excessifs à l'avenir soient mises en place.

Leurs propositions se concentrent sur la nécessité d'avoir plus de fonds propres et des sources de financement d'actifs à plus long terme pour éviter les crises de liquidité et pour améliorer les normes de diffusion des risques.

L'un des principes fondamentaux établis par le Trésor américain pour renforcer le capital et les exigences de liquidité pour les entreprises bancaires mondiales, consiste à baser les exigences en fonds propres sur le risque relatif de l'exposition d'une banque et que ces ratios de fonds propres reflètent mieux la situation financière de notre société actuelle. Le secrétaire au Trésor, Timothy Geithner souhaite que les nations du G20 s'entendent sur les nouveaux niveaux de fonds propres d'ici la fin de 2010 et qu'ils soient mis en Suvre d'ici fin 2012.


Un ajustement donné ne convient pas à tous.

" Toutefois, la solution à un risque systémique est non pas d'avoir plus de capital, mais de changer les comportements des firmes financières ", affirme Avinash Persaud, président de la Commission Warwick sur le règlement financier. " Ce qui pourrait-être sûr pour une institution ne serait pas sûr si toutes les institutions l'appliquaient au même moment ", écrit-il dans le Geneva Report on the World Economy, sur les principes fondamentaux de règlementation financière, paru en juillet dernier. " Nous devons utiliser les exigences en fonds propres pour aider le risque à être transférer là où il existe une capacité à le gérer. Les institutions où il y a peu de moyens de gestion du risque devraient être tenues d'avoir plus de fonds propres, alors que pour les instituions ayant plus de capacité de gestion du risque, les exigences en fonds propres devraient être moindres ".

Il fait valoir également qu' " homogénéiser les règles au nom de l'égalité sur un même marché et entre les institutions, ou de la transparence, entraîne des coûts systémiques, et les avantages doivent être ajustés à ces coûts. "

Une prémisse du cadre réglementaire proposé est d'appliquer des règles plus strictes pendant une période de boom, mais en étant plus indulgent en période de crise, et de rejeter la traditionnelle politique " d'oublis bénins " en matière de bulles de marché.

Le Geneva Report propose une nouvelle norme comptable pour remplacer les règles de mark-to-market, qui deviennent inutiles quand une crise de liquidité fait baisser la valeur des actifs au feu des volumes de vente. La nouvelle règle mark-to-funding permettrait aux pools d'actifs qui ont un financement à long terme d'être en position de l'intégrer à un fonds de placement dit " hold-to-funding ", bloqué jusqu'à maturité du financement. En imposant une augmentation du coût en capital pour le financement à court terme des actifs à long terme alors que le financement à long terme a été garanti, les régulateurs encourageraient les sociétés financières à rechercher un financement à plus long terme, malgré le coût plus élevé plutôt que de s'appuyer sur le financement à court terme qui crée un risque systémique.

Les emprunts à court terme ont constitué un enjeu crucial aussi bien pour Bear Stearns que pour Lehman Brothers. " Pour provoquer une crise de liquidité, il ne faut rien de plus qu'une journée ou une semaine pendant laquelle le renouvellement des emprunts est difficile ", dit Bookstaber.

Les régulateurs doivent partager l'information.

La prise de conscience du risque systémique remonte au moins aussi loin que 1980, lorsque la bulle sur l'argent a éclaté en entraînant le déclin des contrats à terme sur le bétail en raison des besoins de la famille Hunt de vendre ses actifs sur le bétail en vue de répondre à l'augmentation des appels de marge de ses positions sur l'argent. En 1998, le fonds spéculatif Long Term Capital Management s'est effondré lorsque le défaut de crédits russes a éclaboussé les actifs hypothécaires danois. Il est alors judicieux de se poser la question de savoir si un changement significatif et durable du comportement des grandes banques résultera de la dernière débâcle financière.

Plus que de recueillir uniquement les bonnes données, ce qui est nécessaire pour éviter la prochaine crise est une " architecture de l'information " adéquate qui permette aux décideurs individuels de comprendre l'impact des décisions qu'ils prennent en amont de la chaîne d'approvisionnement sur le système macroéconomique, affirme Steven Adler, président du Conseil des données sur la gouvernance d'IBM, qui tente de concevoir des normes pour la gestion des risques à venir et le reporting. Par exemple, alors que la Réserve fédérale était au courant de l'affaiblissement des normes de souscription aux prêts dès 2006, on ne pouvait pas prévoir comment cela se répercuterait sur les titres hypothécaires et les obligations adossées et que cela serait suffisamment toxiques pour infecter le système financier tout entier, dit-il.

Les organismes de réglementation financière doivent apprendre à partager l'information, de la même manière que la cellules de renseignements généraux se sont confédérées à la suite de leur échec dans la prévention des attaques terroristes du 11 septembre, dit Adler. Mais il est essentiel de convier aux tables rondes, des experts avec des opinions dissidentes, tels que Nouriel Roubini, professeur de  d'économie à l'université de New York. La proposition d'Obama sur le conseil de surveillance est un pas dans la bonne direction.

Analyste sur Nextafrique.com.

L. Trame a travaillé au sein de plusieurs banques d'investissements de la place de Paris. Ses centres d'intérêts sont l'économie, la finance de marché et les nouvelles technologies.