Les TIC, et en particulier le téléphone mobile, peuvent devenir le nouvel outil indispensable des agriculteurs africains. Henri Tcheng, Jean-Michel Huet, et Pierre Labarthe, du cabinet de conseil en technologie et management Bearing Point, expliquent pourquoi.
Le secteur agricole a su profiter de la Révolution Industrielle avec la mécanisation et l'utilisation de produits phytosanitaires, à outrance parfois. Mais il n'a pas encore réellement bénéficié de la révolution numérique initiée par les Technologies de l'Information et de Communication (TICs), au contraire de la plupart des autres pans de l'économie et tous les types d'organisation.
L'utilisation d'outils de communication modernes est pourtant déjà répandue dans les grandes exploitations agricoles occidentales : tracteurs équipés d'ordinateurs, consultation par Internet de services météo spécifiques, consultation des cours des matières agricoles sur les marchés financiers et ventes des récoltes, traçabilité sanitaire du bétail assurée par des puces électroniques et scans, etc.
La vraie révolution ne réside donc pas tant dans la technicité des innovations et services mis à la disposition des agriculteurs, que dans le potentiel de diffusion de ces technologies par le biais d'un outil quotidien devenu banal : le téléphone portable. Avec plus de 4,5 milliards d'utilisateurs dans le monde (contre 2 milliards en 2005), la diffusion du mobile est exceptionnelle, par son ampleur et sa rapidité.
Pour les agriculteurs des pays en voie de développement, elle représente l'opportunité d'accéder facilement à des techniques et services simples. Ceux-ci permettent d'améliorer l'ensemble de leur chaîne de valeur, de l'installation jusqu'à l'écoulement des produits en passant par l'approvisionnement et l'exploitation.
Exploitation : le téléphone portable irrigue les champs par SMS
Les technologies de communication, et notamment le mobile ont un rôle immédiat dans la production agricole. En premier lieu, par la diffusion de la connaissance. L'agriculture est affaire de savoir-faire, et la multiplication des contacts entre agriculteurs ainsi que la mise à disposition de conseils aux agriculteurs sur internet permettent de mieux diffuser les techniques les plus efficaces. Les applications du mobile peuvent aussi se révéler plus concrètes comme le prouve l'expérimentation en Inde du module « Raita Mitra ».
Ce boîtier, connecté à une pompe hydraulique, repose sur un fonctionnement simple : lorsque que l'électricité est suffisante pour alimenter la pompe, un SMS est envoyé à l'agriculteur. L'agriculteur envoie alors un SMS avec un code basique (ex : ON) pour démarrer la pompe et irriguer son champ. Il lui suffit de renvoyer un SMS (ex : OFF) pour arrêter la pompe. Cette innovation a l'avantage de résoudre 2 problèmes majeurs pour les agriculteurs des pays en voie de développement : la disponibilité de l'eau et de l'électricité. En déclinant cette logique de contrôle à distance par téléphone portable, il est possible d'imaginer de nombreuses autres applications pouvant aider les agriculteurs, y compris des pays occidentaux, à gagner en productivité.
L'information envoyée par des modules de type Raita Mitra pourrait ainsi être complétée avec le taux d'humidité du sol, mesurable par capteur, et les prévisions météorologiques. Ainsi, l'agriculteur ne déclenche pas l'irrigation si son champ n'en a pas réellement besoin. L'enjeu de disponibilité de l'eau douce est tel que ces innovations sont nécessairement appelées à se développer.
Commercialisation : le mobile facilite l'information sur les prix agricoles
L'étude d'Abraham (2007) a montré le rôle de la téléphonie mobile dans l'amélioration de l'efficience des marchés agricoles en Inde ; plus précisément sur les marchés de poissons, au sein desquels le mobile permet aux pêcheurs d'aller débarquer le poisson là où le prix est le plus fort. Les pêcheurs interrogés ont aussi placé le téléphone mobile en 3ème position parmi les améliorations techniques qui ont favorisé leur développement, derrière la mécanisation et l'amélioration des infrastructures de transport.
Plus de 80% des mareyeurs, des poissonniers et des transporteurs interrogés reconnaissent également que le mobile a permis de diminuer la volatilité et la dispersion des prix entre les marchés. Le mobile serait donc un outil majeur d'amélioration de l'efficacité des marchés agricoles. Cet impact est également confirmé par l'étude d'Aker (2008), qui démontre que l'utilisation du téléphone portable permet aux céréaliers d'augmenter leur zone de chalandise et donc leur prix de réserve. En réduisant les monopsones, l'accroissement de la diffusion d'information a initié au Niger un mouvement de lissage des prix sur des zones géographiques étendues.
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