En 2011, plusieurs facteurs sont venus perturber la modeste reprise économique de l'Afrique sub-saharienne. Les retombées de la crise dans la zone euro, les problèmes de sécurité dans la région de l'Afrique de l'est, la fluctuation des monnaies de plusieurs pays, la menace d'inflation, tous ces élements perturbateurs semblent avoir pesé sur le rebond économique par ailleurs robuste qui a été enregistré par la région après le creux consécutif aux premiers soubresauts de la crise financière dans les pays développés.
Malgré tout, la région garde encore l'espoir de réaliser cette année une performance économique qui ne soit pas en deçà de celle de 2010, étant donné que son potentiel de croissance reste presque intact et que l'intégration économique régionale est entrée dans une phase d'accélération.
UNE CROISSANCE DU PIB MOINS FORTE QUE PREVUE
Au début de cette année, l'Union africaine et la Banque africaine de développement tablaient sur une croissance de 5% de l'économie de l'Afrique subsaharienne pour 2011, tandis que le Fonds monétaire international (FMI) avait prévu une croissance de 5,5% du PIB de la région. Malgré ces prévisions optimistes du début d'année qui annonçaient une meilleure performance économique en 2011 par rapport à celle de l'année précédente, certaines grandes économies de la région n'ont pas répondu aux attentes affichées.
L'Afrique du Sud, première économie de la région subsaharienne, a subi un fort fléchissement de la croissance de son PIB, qui est passée de 4% au 1er trimestre à 1,3% au 3e trimestre. Selon la Standard Bank of South Africa, la crise dans la zone euro, qui est la principale destination des exportations minières de l'Afrique du Sud, a conduit à une réduction considérable du volume des exportations du pays.
En outre, selon le bureau des statistiques sud-africain, la production agricole a également diminué de 4,3% au 3e trimestre par rapport au trimestre précédent, ce qui a constitué un autre coup dur pour le fragile redressement économique du pays.
Tout comme l'Afrique du Sud, l'Angola et le Kenya, troisième et quatrième plus grandes économies de la région, ont également enregistré un ralentissement de la croissance de leur PIB.
L'Angola, en raison de la diminution de la production pétrolière, a abaissé en octobre la prévision de croissance du pays pour 2011 de 7,6% à 3,7%, ce qui coïncide avec la révision à la baisse faite par le FMI, qui a fait passer la prévision de croissance du PIB de l'Angola pour l'année de 6,5% à 3,7%.
Pour ce qui est du Kenya, qui a souffert à la fois de la sécheresse, d'inondations et d'attaques terroristes menées par les miliciens somaliens shebab, on a observé une croissance de 4,1% au 2e trimestre, selon le bureau des statistiques du pays, mais ce taux reste en deçà des prévisions qui tablaient sur une croissance comprise entre 5,5% et 6,1%.
En décembre 2011, la Banque mondiale a décidé d'abaisser la prévision de croissance annuelle pour le Kenya à 4,3%.
Cependant, on peut noter aussi quelques nouvelles plus réjouissantes dans les performances économiques de la région subsaharienne cette année. Par exemple, sa seconde plus grande économie, le Nigeria, a réalisé une croissance de 7,4% au 3e trimestre grâce au bon développement de ses secteurs du pétrole et des télécommunications.
INFLATION ET DEPRECIATION DE MONNAIES
La hausse des prix alimentaires et des prix des carburants sur le marché mondial a aggravé l'inflation dans certains pays importateurs.
Le Kenya, par exemple, a enregistré une augmentation de son taux d'inflation en glissement annuel pour le 13e mois consécutif en novembre, avec un taux atteignant 19,72%. L'aggravation de l'inflation a forcé la Banque centrale du Kenya (CBK) à relever à nouveau son taux d'intérêt de référence de 16,5% à 18% en décembre, suite au précédent relèvement de 11% à 16,5% déjà effectué en octobre.
Deux autres grandes économies, celles de l'Afrique du Sud et du Nigeria, sont également confrontées à la hausse de l'inflation, de façon moins extrême mais néanmoins préoccupante.
A cause de la flambée des prix alimentaires et énergétiques, l'Afrique du Sud a enregistré en octobre un taux d'inflation de 6%, un nouveau record sur les 21 derniers mois, qui correspond au plafond de la fourchette de 3% à 6% d'inflation qui avait été prévue par la banque centrale du pays.
La Banque centrale du Nigeria a maintenu inchangé le 21 novembre son taux d'intérêt de référence à 12%, interrompant sa série de six relèvements successifs du taux de référence qui visaient à juguler l'inflation.
En octobre, la flambée des prix du gazole et du kérosène au Nigeria a fait monter son taux d'inflation à 10,5%, soit un taux légèrement supérieur aux 10,3% de septembre.
De surcroît, l'Afrique du Sud et le Kenya sont confrontés à une forte fluctuation de leurs monnaies. Le rand sud-africain est resté stable au premier semestre de 2011, mais il a commencé à se dévaluer à partir d'août. Il s'est déprécié de 17% face au dollar, passant de 6,7 rands contre un dollar début août à 8 rands contre un dollar début décembre.
La dévaluation du shilling kenyan a été encore plus marquée. De 80 shillings contre 1 dollar début 2011, la devise kenyane s'est dépréciée face au dollar tout au long de l'année, atteignant son niveau le plus bas à la mi-octobre à 106 shillings contre 1 dollar, ce qui correspondait à un affaiblissement de 25%. Grâce à la décision de la CBK de relever son taux de référence à 18% en décembre, le shilling s'est récemment réévalué à environ 90 shillings contre 1 dollar, soit de 17,7% par rapport au mois d'octobre.
ESPOIR D'INTEGRATION ECONOMIQUE REGIONALE
L'économie de l'Afrique subsaharienne n'a pas enregistré la croissance escomptée en raison de facteurs internes et externes. On s'attend néanmoins à ce que l'intégration économique au niveau régional, menée à rythme accéléré à partir de cette année, prépare solidement le terrain pour l'avenir.
Les chefs d'Etat et de gouvernement du Marché commun de l'Afrique orientale et australe (COMESA), de la Communauté de l'Afrique de l'Est (EAC) et de la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC) se sont réunis en juin à Johannesburg pour le deuxième sommet tripartite COMESA-EAC-SADC. Les 26 pays ont publié un communiqué conjoint, annonçant le lancement officiel des pourparlers portant sur la création d'une zone tripartite de libre-échange, avec la perspective d'arriver d'ici trois ans à un marché unique et à la libre circulation des marchandises entre les trois blocs.
Il faudra encore attendre quelques années pour voir pleinement les effets de l'intégration de ces trois entités. Toutefois, étant donné les performances déjà satisfaisantes au sein de chacun de ces blocs avant leur future fusion, il y a de bonnes chances que l'intégration économique engendre une croissance encore plus solide à l'avenir.
Plus tard dans l'année, en septembre, les chefs d'Etat et de gouvernement du COMESA, de l'EAC et de la SADC se sont réunis dans la capitale kenyane Nairobi pour discuter des investissements dans les infrastructures, afin de renforcer l'élan du processus d'intégration.
Les dirigeants et les délégués ont décidé de collecter 15 milliards de dollars pour améliorer le projet du port kenyan de Lamu et six autres projets en Afrique de l'Est. Il est à espérer que ces projets permettront de promouvoir le marché régional, de réduire les coûts logistiques et de jeter les bases pour le commerce et les investissements libres, de manière à accélérer l'intégration régionale en Afrique et à développer pleinement le potentiel de croissance de la région.