Au nom de la peur, de la honte et de croyances anciennes bien ancrées, les enfants handicapés du Togo sont souvent la cible de railleries, ils vivent cachés dans leur maison pendant des années et sont négligés, mis à l'écart de la vie de la communauté, ce qui aggrave leur situation.
« On m'a dit que j'étais une bonne à rien. Même mes frères et sours m'ont dit que j'étais inférieure à eux, et ils se sont moqués de moi », a dit Sofia Adama*, 18 ans, qui a contracté un handicap suite à une injection mal faite lorsqu'elle était bébé.
Entre cinq et dix pour cent des enfants africains souffrent d'un handicap, en général dû à des problèmes génétiques, des complications à la naissance, des maladies telles que la poliomyélite, la rougeole, la méningite et le paludisme cérébral, ainsi qu'à une santé et une alimentation médiocres, selon le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF).
« Le handicap est souvent perçu comme une sorcellerie ou une malédiction au sein de la famille », a dit Naka Abalo, coordonnateur d'un projet de réinsertion communautaire mené par l'organisation non gouvernementale (ONG) Plan International à Sokodé, la deuxième plus grande ville du Togo.
Sur une population de six millions, on compte environ 378 000 enfants souffrant de handicaps au Togo, selon les estimations de l'ONG Christian Blind Mission (CBM), un groupe d'aide internationale qui travaille avec les handicapés.
Dans un petit village situé en périphérie de Sokodé, Afi Ouro*, 13 ans, qui souffre d'épilepsie, se cache dans la pénombre d'une pièce de la maison familiale, où elle a trouvé refuge après avoir été humiliée par des habitants du village, qui se sont moqués de ses pieds bots et ont ostracisé toute sa famille.
Leurs voisins pensaient qu'en jetant des pierres sur Ouro lorsqu'elle subissait une crise d'épilepsie permettrait d'empêcher la maladie de se répandre. Ses parents, qui étaient sûrs que leur fille n'était pas maudite, ont cherché une aide médicale sans relâche.
« Les gens m'ont dit que je perdais mon temps et qu'on ne pouvait rien faire, mais ensuite ils ont remarqué un changement », a dit Fatima*, la mère d'Ouro. Après avoir passé cinq mois dans un hôpital du Bénin voisin, Ouro peut désormais se rendre à l'école à pied toute seule sans avoir peur de subir une crise en route.
« Certaines personnes cachent toujours leurs enfants handicapés, car ils nous insultaient au départ et maintenant, ils pensent qu'ils seront insultés à leur tour. Autrefois, on pensait que les handicapés étaient des incapables. Aujourd'hui, les choses changent et ils peuvent s'intégrer à la société », a dit Fatima.
L'UNICEF, qui a célébré la Journée de l'enfant africain le 16 juin, a appelé à protéger les enfants handicapés de l'abandon, de la discrimination et de la violence.
« Les enfants qui vivent avec un handicap restent ceux qui sont les plus marginalisés de tous les groupes d'enfants africains. Seul un petit pourcentage d'entre eux est scolarisé, et rares sont ceux qui bénéficient de l'éducation adéquate et inclusive dont ils ont besoin », a dit Rosangela Berman Bieler, la directrice de l'unité Handicaps de l'UNICEF, dans un communiqué.
Changer les croyances traditionnelles sera difficile, mais les familles dont les enfants handicapés ont reçu de l'aide savent qu'il ne sert à rien de les exclure de la vie de tous les jours.
« L'évolution des mentalités permettra de surmonter cette situation progressivement. Ensuite, nous pourrons faire sortir les enfants handicapés de la pénombre et leur donner une place dans une société qui sait prendre soin d'eux », a dit Laure Akofa Tay, coordonnatrice de CBM au Togo et au Bénin and Benin.
« [Les droits des enfants handicapés sont] les mêmes que ceux de tous les enfants. Nous avons déjà des droits de l'homme, mais nous devons travailler sur la question des droits des enfants handicapés en Afrique. Il faut poursuivre la sensibilisation à ces droits ».
Le gouvernement togolais a ratifié la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées en 2011. Il est conscient des difficultés supplémentaires auxquelles les handicapés sont confrontés, mais il lui reste à établir des mesures claires pour les aider et combattre les croyances nuisibles.
« Le gouvernement reconnait qu'il s'agit d'un problème important, mais il ne sait pas quoi faire », a dit Mme Tay. « Nous devons travailler en étroite collaboration avec les institutions gouvernementales, comme le ministère de la Santé et le ministère de l'Éducation pour . [participer à la formulation] de leurs programmes de protection et de réadaptation précoce ».
« Nous savons que les handicaps et la pauvreté sont des cercles vicieux », a dit Mme Tay. « Et ici la situation est plus grave, car les enfants handicapés vivent dans un pays à faible revenu ».