La Côte-d'ivoire tiendra ce week end sa première élection présidentielle depuis une décennie, dernier effort pour rétablir la stabilité politique et relancer les investissements au sein du plus gros producteur mondial de cacao.
Le développement économique a été ralenti depuis un soulèvement militaire en 2002 qui a conduit à la guerre civile et à la division entre le nord tenu par les rebelles et le sud contrôlé par le gouvernement.
« Une élection est nécessaire, non pas pour mettre fin à la crise, mais comme une étape vers la sortie de crise », déclare Rinaldo Depagne, analyste à Bruxelle au sein du groupe International Crisis (ICG). «Il pourrait y avoir des violences.»
L'économie, qui dépend du cacao pour plus d'un quart de ses recettes d'exportation, a progressé en moyenne de 1,1 pour cent depuis la guerre civile puisque le pays a raté la vague d'investissements étrangers en Afrique des nations comme la Chine. Maintenant, le gouvernement veut soulager sa dépendance sur le cacao, dont le prix a chuté d'environ 15 pour cent cette année, et promouvoir l'industrie du caoutchouc, la production d'électricité et l'exploration pétrolière.
« En ce qui concerne l'investissement, il y a beaucoup d'intérêt en Côte d'Ivoire, mais les gens attendent de voir ce qui se passe. », a déclaré dans une interview le 26 octobre Wayne Camard, représentant du Fonds monétaire international en Côte d Ivoire.
Il pourrait y avoir d'importants investissements étrangers et même des investissement locaux, une fois la sécurité, et la croyance dans le système, rétablies.
Délayée six fois
L élection du 31 octobre prochain, qui a été délayée au moins six fois depuis 2005, verra s'affronter le Président Laurent Gbagbo contre l'ancien Président Henri Konan Bédié et l'ex-Premier ministre Alassane Ouattara, qui a une grande part de soutien dans le nord. Pour Gbagbo, 65 ans, il est peu probable de gagner la majorité de 50 pour cent nécessaire pour éviter un second tour des élections, a affirmé l analyste ivoirien Venance Konan.
L'insécurité et les troubles de la logistique pourraient donner aux candidats perdants des arguments pour contester les résultats, ce qui pourrait conduire à des manifestations de rue dans la capitale commerciale, Abidjan, a déploré M. Depagne de l ICG dans une interview à Dakar, au Sénégal, le 25 octobre dernier.
« Chacun des principaux candidats est convaincu qu'il va gagner, et il semble qu ils se préparent déjà eux-mêmes à refuser d'accepter les résultats. », ajoute M. Konan dans une interview à Abidjan.
En Octobre 2002, les prix du cacao avaient grimpé à un pic jamais vu depuis 17 ans, en raison des craintes sur le bon approvisionnement du plus grand producteur mondial suite à des violences sporadiques découlant d'une tentative de coup un mois plus tôt. Le cours du cacao avait ensuite atteint un sommet record en Janvier 2006 après que des manifestants aient attaqué un convoi des Nations Unies.
Les prix & aujourd'hui
Les cours du cacao subissaient leur quatrième baisse hier, la plus longue en sept ans, sur la spéculation que l'élection pourrait stimuler la production. Le cours du contrat future sur cacao livré en décembre a diminué de 6 livres, soit 0,3 pour cent, à 1866 livres (2971 dollars) par tonne métrique au NYSE Liffe à 00h44 heure de Londres. Le contrat a atteint 1854 livres, le niveau le plus bas depuis le 21 octobre dernier. Au total, les prix ont baissé de 2,3 pour cent en octobre.
Les Eurobonds de Côte-d'Ivoire libellées en dollars (à 2,3 milliards de dollars) à échéance 2032 sont les obligations les plus importantes en Afrique sub-saharienne. Leurs valeurs ont baissé de 2,4 pour cent à 61,89 dollars au cours des deux dernières semaines. Le rendement a fait un bond à 10,211 pour cent contre 9,912 pour cent durant la même période.
Barry Callebaut AG, le plus grand producteur mondial de chocolat en vrac, est parmi les acheteurs de cacao de Côte-d'Ivoire ; cacao qui représentait 35 pour cent de la production mondiale l'année dernière, selon les données de l'Organisation internationale du cacao.
Le prix de la fève a atteint un pic hebdomadaire le 22 octobre dernier sur la préoccupation que des troubles politiques pourraient en perturber l'approvisionnement.
«Extrêmement importantes»
Six millions des 21 millions d'habitants de Côte-d'Ivoire gagnent leur vie autour du cacao, selon le FMI. La nation ouest-africaine a été, l année dernière, classée 163e sur 182 pays dans l indice de développement humain des Nations Unies, avec un produit par habitant intérieur brut de 1690 dollars.
Camard du FMI, insiste :
Les élections sont extrêmement importantes pour relancer une économie qui a souffert de plusieurs années de sous-investissement.
« Le cacao ivoirien a souffert d'un manque d'investissement au cours des 10 dernières années en raison de l'incertitude politique.», a déclaré Samir Gadio, stratège des marchés émergents chez la Standard Bank Group Ltd.
« Si cela change avec la prochaine administration, nous devrions voir un contrecoup positif. »
La production de cacao ivoirien a augmenté de 1 pour cent à 1235 millions de tonnes pour la récolte d octobre 2009, a déclaré à Bloomberg un officiel ayant accès aux 'informations confidentielles le 11 octobre dernier.
Les pays donateurs ont lié la réduction de 3 milliards de dollars de la dette internationale de la Côte d Ivoire estimée à 14 milliards de dollars, à une refonte de l'industrie du cacao, sur laquelle un gouvernement élu serait en mesure de se concentrer, a-t-il dit.
Les usines de transformation
Gbagbo s'est engagé à construire des usines de transformation du cacao dans toutes les régions qui cultivent les haricots, dans un plan visant à « lutter de front contre le chômage des jeunes », a-t-il déclaré lors d'une manifestation à Daloa le 16 octobre dernier.
Le conflit politique en Côte-d'Ivoire a tourné autour de la question de la nationalité de millions de personnes originaires des pays voisins du Mali et du Burkina Faso. Les rebelles disent les gens du Nord sont traités comme des citoyens de seconde classe. Les partisans de Gbagbo affirment que les étrangers avaient essayé de gagner la citoyenneté et de voter illégalement.
« Les milices pro-gouvernementales n'ont pas désarmé, les rebelles occupent toujours le nord, et la police et l'armée sont du côté de Gbagbo.», a déclaré Konan. « Il y a une culture d impunité et de violence. »
L agence Bloomberg a rapporté que Gbagbo a demandé à la police « de soumettre tous ceux qui sont contre la république. », selon un discours publié sur le site Internet de la présidence. Ouattara, le 26 octobre a annulé un rassemblement dans la ville de Guiglo, après que les partisans de Gbagbo aient détruit des bâches et renversé des chaises.
Le gouvernement aurait, selon le journal L'Intelligent d'Abidjan, chargé les opérateurs de téléphonie mobile de bloquer la messagerie texte du 31 octobre au 3 novembre pour arrêter la propagation de rumeurs.
Les forces de sécurité
A partir d'aujourd'hui, l'ONU aura 8.000 soldats et 1.500 policiers déployés en Côte-d'Ivoire, et augmentera le nombre de patrouilles, a déclaré avant-hier son représentant dans le pays, Young-Jin Choi. Pour sécuriser le scrutin, l'armée nationale a déployé 1.500 soldats dans tout le pays sous forme de brigades comprenant des anciens rebelles et des forces gouvernementales. 6500 autres seront déployés avant l'élection, a annoncé le 27 octobre dernier le chef de l'armée Philippe Mangou.
Le plan de désarmement et de réintégration dans l'armée nationale des rebelles, faisant partie d'un accord de paix de 2007, a été lent à mettre en Suvre, a pointé Rolake Akinola, analyste spécialiste de l Afrique de l'Ouest au sein de l'Eurasia Group, dans une interview téléphonique avec Bloomberg depuis Londres le 15 octobre.
Environ 5000 des 33 000 combattants ont été désarmés depuis début septembre, a déclaré Meite Sindou, porte-parole de Guillaume Soro, ancien chef rebelle qui a été nommé Premier ministre dans le cadre de l'accord de paix de 2007.
Mais selon Konan : « Il y a un risque sérieux de chaos dans les jours suivant les élections. »