Sur la pratique de la tontine au Burkina Faso, le Trésor public qui exerce la tutelle des systèmes financiers décentralisés ou institutions de microfinance au Burkina Faso a entrepris une campagne de sensibilisation et d information. Loin de vouloir supprimer les tontines, il s'agit d'encadrer et d'améliorer l'exercice de la pratique afin de sécuriser les épargnants et les emplois de ceux qui mènent cette activité.

En dépit des dispositions de la réglementation bancaire et de celle des systèmes financiers décentralisés (SFD) qui conditionnent la collecte de l épargne par la délivrance d une autorisation préalable du ministre de l Economie et des Finances (MEF), on constate que des personnes physiques ou morales pratiquent illégalement l activité de microfinance. Parmi ces personnes, on compte des collecteurs d épargne communément appelés "tontines" ou "cauris d or". Il faut cependant préciser que ce ne sont pas toutes les formes de tontines qui font l objet de préoccupation mais celle qui consiste à la collecte de fonds par de tierces personnes.

Des échanges initiés par les services du Trésor public en 2010 avec les collecteurs ont permis de mieux comprendre la nature des produits développés par les personnes qui s'adonnent à la tontine. La pratique est la suivante : contrairement à la procédure classique de collecte d épargne qui s effectue dans un compte ouvert auprès d une institution reconnue où le client se déplace pour effectuer ses opérations de dépôt ou de retrait, les produits de la tontine fonctionnent dans le sens inverse. Des individus collecteurs rejoignent leurs "clients" dans leurs domiciles ou lieux d activités pour collecter leurs épargnes et pour décaisser ces épargnes notamment au moment des remboursements moyennant une commission.

Plus concrètement, le client s engage à épargner selon une périodicité, généralement journalière, une somme définie à l avance, sur une  période donnée (31 jours en général) au bout duquel le total de trente (30) jours d épargne lui est restitué. L épargne du trente-unième jour reste au profit du collecteur. Une autre variante de la pratique est la vente d article à crédit. Les collecteurs proposent aux clients d épargner à hauteur de la somme équivalent au montant d un article en vente avant d entrer en sa possession.

Les collectrices reconnaissent que les fonds collectés sont souvent remis à leurs conjoints. Dans le meilleur des cas, ils sont déposés dans un compte de dépôt ouvert au nom du collecteur.

Si on peut reconnaître que cette pratique encourage la culture de l épargne auprès des populations, elle comporte cependant des risques.

Les risques d une collecte illégale de l épargne

Il s agit d abord des risques de détournement des fonds collectés à d autres fins. Les cas les plus fréquents sont la disparition du collecteur pour des raisons diverses (décès ou fuite du collecteur). Ce cas empêche alors le respect des engagements du collecteur, à savoir la restitution des sommes collectées auprès de l épargnant. Des plaintes émanant de victimes elles-mêmes ou de la Gendarmerie ont été d ailleurs enregistrées par le Trésor public.

En outre, des collecteurs habitant les zones d insécurité sont fréquemment la cible de bandits qui les dépouillent des sommes collectées.

La troisième limite est l absence de rémunération de l épargne et du caractère usuraire de la transaction. Au lieu d être rémunéré pour son effort, l épargnant paie des frais au contraire. Un calcul permet de se rendre compte que la commission perçue par le collecteur est de 3,33% par mois du montant collecté, soit environ 40% l an.

Organiser la pratique de la tontine

Nul ne peut occulter le rôle économique des tontines pour les personnes à faibles revenus. Cependant, il faut protéger ces épargnants contre les risques auxquels ils s exposent en faisant recours aux collecteurs d épargne dans les marchés. C est dans cet objectif et dans le souci d assainir le secteur de la microfinance, que la Direction générale du Trésor et de la Comptabilité publique, qui exerce la tutelle des systèmes financiers décentralisés ou institutions de microfinance au Burkina Faso, a entrepris des actions d information et de sensibilisation. Elles ont consisté en des actions de communication à travers des communiqués radiophoniques pour sensibiliser les populations sur les pratiques illégales et appeler les collecteurs à se conformer à la réglementation.

La réflexion en cours avec l Association professionnelle des Systèmes financiers décentralisés du Burkina Faso (AP/SFD) et la Fédération des commerçants des marchés et yaars de la région du Centre (FCMYRC) vise, à terme, à mieux organiser l'exercice de la pratique de la tontine dans nos villes et à faire profiter les populations des avantages liés à cette réglementation, à savoir :

- la sécurisation de l épargne collectée en faisant recours à des institutions de proximité officiellement reconnues que sont par exemple les institutions de microfinance ;

- la rémunération de l épargne au lieu de payer régulièrement des frais de garde.

Pour les collecteurs, une régularisation de leur activité leur permettra d exercer légalement et de pérenniser ainsi leurs emplois.

Toutes les mesures prises sont portées à la connaissance des autres acteurs lors des concertations que le Trésor public organise régulièrement depuis novembre 2010. La dernière rencontre s est tenue le 14 juin 2012 avec l Association professionnelle des Systèmes financiers décentralisés du Burkina Faso (AP/SFD) et la Fédération des commerçants des marchés et yaars de la région du Centre (FCMYRC). Tous les acteurs sont unanimes sur les risques de l activité de collecte déréglée de l épargne des populations. Ils reconnaissent la nécessité d organiser la pratique actuelle de la tontine, et restent disposés à collaborer avec le ministère de l Economie et des Finances pour réglementer les tontines. Cela augure de lendemains meilleurs pour la pratique de la tontine au Burkina Faso.

Le ministère de l Economie et des Finances

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