Dirigeant de société rennais, Emmanuel Thaunier a passé une semaine au côté d Hermann Capko, jeune patron à Cotonou. Une expérience riche d enseignements et une leçon d optimisme entrepreneurial.
Emmanuel Thaunier, vice-président du Centre des jeunes dirigeants (CJD), fait partie du premier contingent à mener l'expérience "Vis ma vie" au Bénin. Trois autres jeunes dirigeants français ont suivi ses traces depuis, avec autant d'enthousiasme. D'autres opérations ont été organisées, par le CJD-Tunisie notamment, mais entre entrepreneurs et étudiants, pour instaurer volonté et esprit d'entrepreneuriat chez les lycéens, rapprocher leurs choix d'orientation et les besoins du marché, faire vivre aux jeunes une expérience de terrain unique.
D'ailleurs, pour institutionnaliser le projet, Leila Ben Gacem, membre du bureau national du CJD-Tunisie chargée de la création d'entreprise, a eu plusieurs réunions avec le ministère de l'Education et de la Formation. Lors du Forum des métiers, le 18 avril prochain, une dizaine de jeunes dirigeants et un comité d'élèves élaboreront leur prochain "Vis ma vie", qui aura lieu cet été.
Accepter de perdre ses repères familiers, pendant quelques jours, pour vivre la vie d'un Béninois: l'idée m'est très vite apparue irrésistible. Et, au-delà du fantasme classique du quadra débordé, l'aventure vue sous l'angle entrepreneurial était encore plus séduisante.
Au printemps dernier, j'ai donc quitté mon entreprise rennaise d'informatique pour suivre une semaine durant la vie du Béninois Hermann Cakpo, entrepreneur et dirigeant comme moi. Je le recevrai quelques mois plus tard en Bretagne, dans ma famille et dans mon entreprise, car lui aussi a voulu tenter l'expérience.
A l'arrivée à l'aéroport de Cotonou, en pleine nuit, Hermann m'attend de l'autre côté de la baie vitrée. Simple et moderne, il est lui aussi en jeans, polo, baskets, une casquette vissée sur la tête - il me l'offrira à mon départ. Un symbole fort, car il ne la quitte jamais.
Considéré comme un "pur produit du Bénin"
Nous montons dans sa voiture déglinguée, mais avec chauffeur, et roulons vers sa maison. Elle se situe dans le quartier résidentiel de la capitale économique du pays, avec logement de gardien, électricité et cuisine équipée. Je n'en crois pas mes yeux. Mais, dur retour à la réalité, à moins de 800 mètres, une décharge à ciel ouvert. Premier paradoxe béninois. Sa maison est aussi grande que la mienne, pas moins de 120 mètres carrés, décorée avec goût, mais sans ostentation. Car Hermann n'est pas "bling-bling". D'ailleurs, j'apprendrai que c'est aussi sa discrétion qui fait sa force. Le dialogue s'engage rapidement, et je découvre, un peu naïvement, que les 10 millions d'habitants du Bénin, autrefois appelé Dahomey, sont francophones et ont un style de vie à l'occidentale.
Le lendemain matin, Hermann est déjà cravaté lorsque je rejoins sa famille à la table du petit déjeuner. Il est dans les starting-blocks, et moi aussi, impatient de découvrir une entreprise africaine. Après des heures passées ensemble, j'apprendrai que ce jeune dirigeant de 28 ans, certes diplômé, est parti de rien. Aujourd'hui, il est fier de "réussir dans les affaires". Son entreprise de conseil en formation de dirigeants et d'accompagnement de la création d'entreprise emploie une trentaine de personnes. Il publie également un magazine sur le thème de l'entrepreneuriat et enseigne comme professeur de management. Il a d'ailleurs épousé l'une de ses étudiantes. Ce matin-là, Mme Cakpo, en tailleur impeccable, est prête à commencer sa journée de travail. Elle est salariée chez un opérateur de téléphonie. Ici, Hermann est considéré comme un "pur produit du Bénin". Il est même devenu une petite célébrité.
Arrivé sur son lieu de travail, il me présente fièrement à ses salariés, me fait faire le tour du propriétaire et commence sa journée. Deuxième surprise, elle ressemble étrangement à la mienne : courrier, courriels, téléphone, rendez-vous et réunions.
Coupures d'électricité, d'Internet, crédits refusés...
Je découvre au fil des conversations un entrepreneur qui se pose les mêmes questions que moi : quelle vision pour mon entreprise ? Faut-il ouvrir mon capital ? Dois-je embaucher ou externaliser ? Faut-il investir dans la formation des salariés ? Je comprends très vite que nous partageons les mêmes valeurs et que nous avons une volonté commune de donner un sens à notre fonction de dirigeant. Lui aussi espère devenir un "patron humaniste". Il parlera des heures durant de la nécessité de créer de la richesse, mais dans des conditions harmonieuses. Mettre l'homme au coeur de l'entreprise, et l'entreprise au coeur de la vie.
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