Le Social Business est-il la clé du développement énergétique en Afrique ? En grande partie, certainement, car les initiatives gouvernementales ne sont pas suffisantes. En effet, même dans les pays africains les plus urbanisés, les zones rurales restent isolées des sources d approvisionnement électrique.

Si certaines initiatives communautaires en Afrique de l'Est ont été mises en place pour favoriser le développement énergétique local par une autoproduction, les entreprises sociales ont également un rôle majeur à jouer.

Il suffit souvent d une idée (et de beaucoup de rigueur, de patience et de persévérance).

C est le cas de Station Energy Services, une entreprise sociale qui conçoit des solutions innovantes d'accès à l'énergie dans les régions rurales d'Afrique.

Avec pour objectif de donner un accès à de l énergie électrique facilement exploitable aux zones isolées des sources de distribution électriques, le projet Station Energy® développe un réseau de boutiques multiservices de proximité incluant principalement des services de location de batteries et d espaces réfrigérés, et la vente de produits électriques.

La station propose aussi des services communautaires comme les cybercafés, l accès aux prises électriques, à la téléphonie, et à la vente de froid (glace) avec notamment d innovantes chambres froides solaires développées en partenariat avec un industriel marocain.

Ce social business a été créé par Alexandre Castel, jeune entrepreneur social, ingénieur des Mines de Douai en France, qui en est aujourd'hui président.

Composée d une équipe de 4 membres fondateurs (Alexandre Castel, Jérôme Brasseur, Patrick Reynaud et Delphine Hedin) spécialistes de l énergie, des télécoms et de l entrepreneuriat social, l entreprise s appuie sur des entrepreneurs locaux et des partenariats corporatifs pour s implanter dans les différents pays africains.

L'initiative a reçu plusieurs distinctions dont les Premier Prix du concours ABC Innovation de l African Business Club et de la finale francophone de la Global Social Venture Competition (GSVC).

Alors si vous vous demandez qui est Alexandre Castel, comment a-t-il pensé, initié et mis en place ce concept d'affaires à la fois utile, rentable et très prometteur, voici les réponses à l entretien qu il a accordé à Next-Afrique.

Quand avez-vous créé la société et qu est-ce qui vous a inspiré pour le faire ?

Alexandre Castel

« Nous avons choisi de commencer cette activité en Afrique parce que nous aimons ce continent, que nous y avons déjà travaillé, qu'il y a assez de soleil pour y faire du photovoltaïque et que nous sommes persuadés de l'essor prochain de la sous-région (...) ».

Crédits Photo : Alexandre Castel/Viadeo

J'ai initié le projet Station Energy® en septembre 2010. Tout d'abord, il y a eu une longue phase de définition du projet, d'études techniques et économiques ; puis une phase de recherche de partenaires (techniques, financiers et commerciaux). L'entreprise a officiellement été créée en février 2012 (soit un an et demi après).

La création de cette société est un mélange d'envies, de convictions et d'opportunismes. En effet, l'objectif qui nous pousse depuis le début est d'apporter des solutions innovantes d'accès à l'énergie pour des populations isolées à partir des énergies renouvelables. Nous avons choisi de commencer cette activité en Afrique parce que nous aimons ce continent, que nous y avons déjà travaillé, qu'il y a assez de soleil (:)) pour y faire du photovoltaïque et que nous sommes persuadés de l'essor prochain de la sous-région.

Enfin, la création de cette entreprise est une histoire de rencontres qui ont permis d'associer une équipe aux profils et expériences différents ! Car seul, on ne va pas très loin !!

Comment avez-vous financé votre capital initial ? Quels fonds et quelles aides avez-vous obtenus pour pouvoir lancer votre business ?

Nous avons financé le capital initial de la société par les 3 associés fondateurs grâce à nos économies respectives. Nous sommes également accompagnés par la région Nord-Pas de Calais et par l'incubateur des Mines de Douai dans la phase de création et de pré-financement (via un prêt d'honneur).

Je conseille d'ailleurs les créateurs à regarder ce qui se passe en région où il y a beaucoup plus d'aide à la création qu'en région parisienne.

Comment avez-vous convaincus les investisseurs de vous faire confiance ?

Je ne les ai pas tous convaincus !!! C'est sûrement la phase la plus longue, la plus stressante et éprouvante que de chercher les premiers fonds d'amorçage de l'entreprise. Nous avons choisi de rester sur un cercle restreint et avons organisé une méthode de crowdfunding : nous avons de nombreux "petits" actionnaires qui croient en nous, en notre projet et ont une approche moins rationnelle que des investisseurs en Capital Risque. Lorsque je dis "moins rationnel", cela n'a rien de péjoratif, mais en France nous avons peu de capital risqueurs d'amorçage et encore moins sur des activités à l'internationales. L'investissement sur de l'amorçage est plus risqué et repose pas ou peu sur des données fiables.

Dites-en nous plus sur votre parcours ? Comment êtes-vous passé d ingénieur des mines à créateur de solutions durables pour les pays africains/en développement ?

Je suis ingénieur des Mines de Douai où j ai suivi une formation sur les énergies renouvelables et une spécialisation en système de management et processus de création de valeur. J'ai toujours été passionné par les problématiques sociales, en particulier les relations Nord-Sud, mais j'ai aussi été intrigué par l'Afrique assez jeune. Ainsi, j'ai saisi la première opportunité pendant mes études pour partir sur le terrain travailler en Afrique d'abord en ONG, puis en entreprise.

J'ai réalisé diverses missions et stages relatifs aux modes de consommation et à l accès à l énergie en Afrique (Burkina Faso, Sénégal, Angola) avant de me spécialiser en management du développement durable et Social Business à HEC Paris.

La Chaire Social Business de HEC qui m a permis de me spécialiser sur le développement de produits ou services pour des populations à bas revenus.

Le Social Business a été pour moi une évidence : "Réconcilier l'entrepreneuriat avec le social"

Vous avez reçu plusieurs prix dont celui de l ABC Innovation. Quelles démarches avez-vous menées pour finalement obtenir ce type de reconnaissance ?

A propos du concours d innovation de l ABC, partenaire de Next-Afrique

ABC Innovation est un concours d'entrepreneuriat créé en 2009 par l'association African Business Club avec pour objectif d'encourager l'initiative entrepreneuriale à destination de l'Afrique.

En savoir plus

J'ai participé à de nombreux concours dont celui de l'ABC. Les concours sont un investissement en temps très important (et à ne pas négliger) mais sont aussi très intéressants pour se faire connaître, développer son réseau et donner un coup d'accélérateur à son projet.

Je pense que participer à des concours est un bon exercice dans la phase d'élaboration d'un projet : cela permet de se "forcer" à tout rédiger et à aller présenter son projet devant différents jurys.

Cela n'a pas été à chaque fois une réussite pour moi, mais j'en ai toujours tiré quelque chose de positif !

Ces distinctions vous ont-elles aidé par la suite ?

Les concours sont une bonne opportunité pour les jeunes entrepreneurs de se faire connaître, d'obtenir de la reconnaissance et surtout de la légitimité. Les jeunes entrepreneurs sont souvent confrontés à une problématique d'âge et de crédibilité par rapport aux investisseurs et partenaires. Les concours permettent de communiquer et de gagner en crédibilité.

De plus, entrepreneuriat social est une démarche qui est très nouvelle, on se retrouve dans des situations un peu ambigües où on n est pas vraiment considéré comme une entreprise et on n est pas une ONG non plus. On doit donc avoir la rigueur de gestion d une entreprise et on ne peut pas bénéficier des aides, subventions dont peuvent bénéficier les ONG. Le positionnement est assez délicat et on essaie de se faire sa place !!

Un conseil pour les aspirants entrepreneurs ? Les choses à faire & Les pièges à éviter ?

Du courage, de la persévérance, de la rigueur et accepter les hauts comme les bas ! Le moral est un vrai sujet à gérer pour garder le cap à suivre ! « Quand on veut, on peut ! » mais « Choisir, c est renoncer » : avec ces deux phrases, on a tout résumé de l'entrepreneuriat !!

Analyste sur Nextafrique.com.

L. Trame a travaillé au sein de plusieurs banques d'investissements de la place de Paris. Ses centres d'intérêts sont l'économie, la finance de marché et les nouvelles technologies.