La tendance a débuté au Ghana avec le film HEART OF MEN. La bande annonce était une succession de scènes de sexe et ne permettait même pas de comprendre de quoi ce film allait parler. Effectivement, indignés mais curieux, les gens ont regardé, pour se rendre compte que les scènes osées de la bande annonce n'ajoutaient rien au film qui était même assez mauvais. Mais les ventes avaient déjà été boostées. C'était trop tard.
La logique qui dit que le sexe fait vendre avait fait son petit bout de chemin et en 2009 et 2010, les films ghanéens qui ont été produits n'ont pas oublié leur dose de pornographie allégée.
Les nigérians aussi ont fini par entrer dans la danse et on a eu droit à tout et n'importe quoi. C'étaient les pires années du cinéma Ouest-africain. Des couples s'embrassaient vraiment, sauvagement, au point de se retrouver le visage tout couvert de salive (beurk). Tontoh Dike suçait les tétons de John Dumelo devant la caméra, dans "MEN IN LOVE" (ça été supprimé au montage après les plaintes, mais les images avaient déjà filtré) Juliet Ibrahim en plein ébat avec un jeune homme, laissait entrevoir ses seins dans "4 PLAY" (elle s'est plus tard plaint du réalisateur qui aurait dû couper la partie au montage, selon leur accord). On a vu des scènes de triolisme entre Majid Michel, Martha Ankomah et une illustre inconnue dans "HEART OF MEN" (voir les dernières photos). Majid nous a aussi laissé entrevoir son postérieur velu (toujours voir les dernières photos).
Ces films qu'on appelle "home vidéo", c'est à dire des vidéos pour la maison, à l'origine, des vidéos destinées à êtres visionnées en famille, ne le sont plus aujourd'hui. C'est plus que gênant de regarder ce genre de film avec sa petite cousine de 7 ans et sa grand-mère de 70 ans.
La chute a continué dans les profondeurs abyssales du cinéma bas de gamme, et ils ont même rajouté des paroles de plus en plus grossières dans leurs scripts.
J'essayais de comprendre les raisons de cette nouvelle tendance. Dans mes recherches, j'ai lu une interview d'un jeune acteur, scénariste et réalisateur ghanéen qui justifiait ainsi les scènes de sexe explicites dans son film: nous ne sommes plus dans l'ancien temps, où on voyait les habits joncher la chambre, et des gens s'agiter sous un gros drap. C'est la nouvelle génération. On veut élever le niveau et arriver au standard hollywoodien.
Le standard hollywoodien c'est donc le sexe présenté crûment au téléspectateur? Je me disais Dieu merci le cinéma ivoirien est tellement pauvre en production qu'on ne risque pas de tomber dans ce piège de si tôt.
J'étais sur facebook récemment et je suis tombée sur la page d'un film ivoirien qui passe en ce moment sur TV5. J'ai vu cette image de deux acteurs en train de s'embrasser à pleine bouche avec le sous-titre : C'est franchir un nouveau pas pour le CINÉMA IVOIRIEN... C'est aussi la nouvelle vision de la nouvelle génération.
J'ai eu la chance de travailler quelques temps avec un autre cinéaste ivoirien qui avait la même vision. Et je trouve cela proprement alarmant.
De quelle nouvelle vision s'agit-il ? De quelle nouvelle génération? Quel niveau veut-on atteindre ?
L'industrie cinématographique indienne (Bollywood) fait partie des trois plus grandes industries au monde. Mais qui a déjà vu un film Indien ou les gens échangent ne serait-ce qu'un baiser? C'est rare!
On a tous regardé quelques épisodes de la série "Valdéhi "qui a déchaîné des passions ici (je ne sais même pas pourquoi d'ailleurs). Dans ce film, on a jamais vu des gens nus, s'embrasser, se toucher de manière suggestive. Pourquoi? Parce que ce n'est pas dans leur culture. Ils suggèrent mais ne montrent jamais.
Les indiens mettent l'accent sur les décors, les chorégraphies, les costumes, (ici quand on fait un film, ce sont les acteurs qui viennent avec leurs propres habits), la beauté des acteurs et le scénario. Le film fait 8 heures et pourtant, on voit rarement le temps passer. Quel niveau voulons-nous donc atteindre, si certains ont réussi à être parmi les meilleurs en mettant le sexe de côté? Quelle est notre excuse?
Il y a un réel engouement pour les dessins animés des studios Pixar et Dreamworks ces derniers temps. Et pourtant ils ne comportent aucune scène de sexe. Ce sont des dessins animés, des animations, mais ils drainent autant d'adultes que d'enfants, sinon plus.
Au lieu de travailler sur nos scénarii moches, sur notre qualité de son pitoyable, sur nos images de troisième main et sur le jeu de nos acteurs qui donnent l'impression d'être au théâtre, nous cherchons à évoluer dans le sexe.
Le sexe fait vendre oui, d'où la prolifération de l'industrie du cinéma pornographique.
Cinéastes ivoiriens, africains, n'utilisons pas le sexe pour cacher nos graves lacunes cinématographiques.
Les photos qui suivent sont tirées de "The heart of men".
Par Yehni Djidji
Egalement publié sur le blog de l'auteur sous le titre "Le nouveau cinéma africain ? La nouvelle génération ?"