Comparé aux consommateurs d'autres marchés, même les plus matures, les Africains sont plus susceptibles d’acquérir des produits non alimentaires. Comme les autres, ils veulent acheter des produits et services qui répondent à leurs besoins spécifiques. Pour les entreprises prospectives, le marché africain vaudra plus de 1000 milliards de dollars en 2020 et offrira un accès à des millions de nouveaux clients. Les consommateurs du continent veulent des marques qui suggèrent la fois qualité et valeur. Ils veulent avoir accès aux produits disponibles dans le reste du monde. Ce sont les résultats de l'enquête 2013 du groupe BCG (Boston Consulting Group) sur la consommation.
La plus forte croissance mondiale en matière de téléphonie mobile
La façon dont les consommateurs accèdent à l'internet varie énormément. En Afrique subsaharienne, ils utilisent principalement leurs Smartphones, tandis que les consommateurs en Algérie, en Égypte et au Maroc comptent davantage sur les ordinateurs de bureau ou les ordinateurs portables. La technologie mobile, en particulier, permet au continent de surmonter son manque d'infrastructures et a amélioré l'accès des consommateurs à l'information et la connaissance.
Les technologies numériques ne peuvent pas guérir tous les maux de l'Afrique. Si les niveaux d’urbanisation s’améliorent, la plupart des Africains vivent encore dans les zones rurales et dans les petites villes et villages. La répartition de ce dernier maillon est difficile, étant donné que seulement 19% des routes sont asphaltées et 70% de la population rurale du continent n'a pas accès aux routes en toute saison. Les véhicules ont tendance à être en mauvais état, et les destinations que les entreprises doivent atteindre sont éloignées. Peu d'entreprises de logistique ont le réseau global nécessaire pour assurer la livraison des produits sur plusieurs marchés. Les entreprises ont besoin de moyens fiables pour atteindre ces consommateurs.
Combler le fossé de l’intelligence des marchés traditionnels
La prévalence des formats traditionnels du commerce en Afrique accroît les défis. La plupart des gens achètent dans les magasins traditionnels, chez les marchands ambulants, auprès des kiosques et des marchés populaires. Cela rend la distribution particulièrement difficile pour de nombreuses multinationales, qui sont habituées à travailler avec des détaillants modernes.
Enfin, le marché africain interentreprises (« business-to –business ») est un segment souvent négligé. A mesure que les entreprises africaines se développent et deviennent matures, leur besoin en biens et services va augmenter. Les entreprises des domaines aussi divers que la publicité, la fabrication d'équipement, le transport et la logistique ont l'opportunité d’être les précurseurs sur le marché.
Pour gagner dans ce contexte, les entreprises devront devenir véritablement locales. Il faudra pour cela qu’elles créent une offre africaine, construisent des marques influentes, et contrôlent la distribution.
Créer une offre africaine
Les entreprises qui ont réussi dans d'autres marchés émergents l’ont fait en adaptant leurs produits. En Afrique, cependant, les entreprises ne peuvent pas modifier leur portefeuille de produits pour plaire à tous les pays cibles ni aux segments spécifiques du marché dans ces pays. Elles doivent équilibrer les préférences locales et la nécessité d'atteindre une échelle tout en conservant une certaine cohérence. Plusieurs entreprises ont réussi dans ce domaine.
La moto Boxer de Bajaj Auto est devenue le leader du marché Nigérian en deux ans, même si le prix était 30% plus élevé que les modèles chinois. Le produit est adapté aux usages et conditions météorologiques locaux, et est moins cher que les véhicules japonais similaires.
Les appareils de Samsung pour le marché africain incluent généralement une protection intégrée contre les surtensions. Ses réfrigérateurs intègrent souvent une isolation supplémentaire, et ses machines à laver sont économes en énergie. « Nous avons une vision de développement de la technologie qui est construite en Afrique, pour l'Afrique, par l'Afrique », déclarait George Ferreira, le chef de l'exploitation de Samsung Electronics. « Nous allons au cours des prochaines années allouer davantage d’investissement R&D pour améliorer la planification des produits locaux, la conception et le développement ».
Bâtir des marques solides et en tirer parti
La liste relativement courte des marques pan africaines a permis à plusieurs multinationales de s’implanter en Afrique et de construire leur propre marque : OMO, Gillette, Colgate, Pepsi et Nike sont toutes des marques bien connues et appréciées sur le continent. Au Maroc, le détergent est communément appelé Tide, tandis qu'en Éthiopie, les chaussures de course sont appelées adidas. En fait, selon l'enquête BCG, les marques semblent plus importantes pour les consommateurs en Afrique que pour ceux des pays développés ou d'autres marchés émergents, comme la Chine et l'Inde.
Le défi est de trouver les moyens de renforcer les marques de manière à la fois économique et mesurable. La diversité du continent impose aux entreprises de déployer plusieurs canaux et plates-formes. Idéalement, elles peuvent tirer parti de leur marque mondiale pour combattre l'accumulation de certains médias locaux. Enfin, les entreprises auront besoin de travailler avec les gouvernements locaux pour lutter contre la contrefaçon, qui peut rapidement diluer la valeur de la marque que les entreprises passent des années à construire.
Pepsi a utilisé la Coupe du Monde 2010 en Afrique pour promouvoir ses produits. La société a créé une campagne vidéo musicale virale mettant en vedette un certain nombre de joueurs de football célèbres, le chanteur Akon sénégalo- américain, la chanteuse et compositrice américaine Keri Hilson et le Gospel Choir de Soweto. Les bénéficies de la chanson ont été redonnés à une œuvre caritative. La campagne a suscité beaucoup d'attention de la part des médias si bien que de nombreux Africains croyaient que Pepsi était le sponsor officiel de la Coupe du monde, alors qu'en fait elle avait été parrainée par Coca- Cola.
Contrôler la distribution
De nombreuses entreprises ont toujours compté sur les distributeurs locaux pour livrer leurs marchandises à des consommateurs qui ne vivent pas dans une ville portuaire ou dans l'un des autres endroits qu’elles desservent directement. Ces sociétés n'ont pas voulu se donner la peine de comprendre les conditions et les pratiques locales qui leur permettraient d'étendre leur empreinte sur le continent.
En déléguant la distribution, les entreprises ont souvent cédé le contrôle des prix, de la marque, de la gestion des canaux, des stocks et, en fin de compte, de la rentabilité et de l'avantage concurrentiel. Les entreprises ne peuvent réussir en Afrique sans contrôler la distribution. Elles n'ont pas nécessairement besoin de le faire elles-mêmes. Mais, elles doivent bien le faire, et le faire nécessite souvent de nouvelles approches.
Environ un tiers des ventes de Nestlé en Afrique se concluent par des voies informelles. En vue de faciliter ces ventes, l'entreprise a fait appel à une petite armée de distributeurs qui voyagent à pied, à vélo et en voiture. En 2011, Nestlé a réussi à doubler le nombre de ses points de vente en Afrique du Sud en s'appuyant sur ces distributeurs non conventionnels. De même, Vodacom a créé plus de 100.000 points de vente en Afrique grâce à des grossistes et entrepreneurs indépendants. Son programme « Gimme That ! » recrute et forme des jeunes à la vente de coupons prépayés à la commission. Les meilleures performances sont attribuables aux franchises de distribution.
En somme, selon les auteurs de cette étude du BCG, les entreprises doivent évaluer leurs performances et leurs priorités sur le continent, et les organisations doivent se demander si elles sont prêtes à réussir en Afrique en évoluant rapidement et en construisant leur écosystème.