Toujours plus de motocyclettes, signifie toujours plus d ateliers de réparation mais pas plus de professionnalisme ou de structuration du secteur. Le chômage a favorisé l émergence de nombreux petits boulots à Bamako. Dans cet univers impitoyable de la débrouille, l artisanat est un gros pourvoyeur d emplois. Et dans ce secteur, les réparateurs de motos tiennent le haut du pavé.
La réparation d engin à deux roues est une activité qui nourrit son homme et contribue à sa manière au développement socio économique du pays. Le métier reste toutefois une activité masculine exercée surtout par une population jeune et sans grande qualification.
Malgré tout, aujourd hui le secteur est en pleine expansion du fait, mécaniquement, de l accroissement exponentiel du nombre des motos en circulation dans le District et des ateliers de réparation. Ces ateliers squattent les abords des rues et participent sans états d âme à la grande pollution de l environnement mais comme pour beaucoup d autres activités informelles, nécessité fait, ici, loi.
L histoire de la réparation des engins à deux roues remonte à l avènement de la bicyclette dans notre pays. A l époque, cette activité se résumait essentiellement à la vulcanisation et au gonflage des chambres à air, la réparation ou le remplacement des petites pièces défectueuses. Au fil du temps, l arrivée des cyclomoteurs et l augmentation rapide du parc des motos d origine asiatique ont donné un coup d accélérateur au secteur et conduit à certaine spécialisation dans la branche. Le service de collage s est détaché de celui de la réparation pour s ajouter aux colleurs de pneus d auto. La réparation, elle-même, a évolué au fil du perfectionnement des moteurs et de l hégémonie des Djakarta qui ont chassé CT, Camico, Honda dames, CG et autres Vespa.
Absence d une politique appropriée
Dans notre pays, ces réparateurs de moto sont classés dans la nomenclature des métiers de corporation des métiers artisanaux, des services de la réparation et de la maintenance. Les réparateurs relèvent de la tutelle du ministère de l Artisanat et du Tourisme. Il n existe pas de politique nationale de gestion de ces artisans encore moins de données fiables sur leur nombre à Bamako ou à l intérieur du pays. Les rares statistiques disponibles à l Assemblée permanente des chambres de métiers (APCM) ne concernent que quelques unités qui ont une adresse connue.
Ce vide découle de la mauvaise organisation du secteur et de l instabilité des ateliers de réparation. Ainsi, sur un effectif estimé à plus de 5000 personnes dans le District de Bamako, seulement une cinquantaine sont répertoriés, a noté le conseiller technique chargé du répertoire et de l encadrement des entreprises artisanales de l Assemblée permanente des chambres des métiers du Mali, Dramane Bouaré. Le secteur, relève-t-il, est assez mal encadré et les ateliers sont épars dans la ville. L APCM voudrait cependant pour le rendre plus performant au bénéfice des usagers. Mais encore faut-il que les réparateurs eux-mêmes fassent l effort de se regrouper dans un vaste ensemble.
Un tel regroupement facilitera la professionnalisation du secteur, incitera les partenaires à investir dans l encadrement, l appui technique, matériel et financier des actifs du secteur. Le secteur, constate Dramane Bouaré, est animé par des personnes de profils très divers. Ce sont des recalés de l école, des migrants, des commerçants en faillite ou des ruraux en manque de perspectives en ville. Actuellement l organisation la plus représentative des réparateurs de moto est l Association des réparateurs de Motos au Mali (AREMOM) dont le siège est à Kalabancoura en Commune VI. Elle a été créée en 2008 par Siaka Diarra qui la préside et compte 350 membres. Siaka Diarra est un « ancien » dans la profession.
Il raconte : « J exerce ce métier depuis 1991. J ai fait l école coranique. Quand mes parents ont manqué de ressources nécessaires pour payer mes études, je me suis lancé dans ce travail afin de gagner ma vie. Après des années sans succès, je suis parti à l aventure. J étais au Gabon d où j ai été refoulé. Je suis revenu à Cotonou au Benin. Dans ce pays, en désespoir de cause, je me suis lancé dans ce métier mais j ai été confronté à des obstacles réglementaires du métier dans ce pays. A mon retour au Mali en 2002, j ai repris ce métier dans l intention d apporter un changement dans la manière de gérer le secteur par la création d une organisation corporatiste solide. Jusqu en 2007, l idée est restée dans les tiroirs ».
Ce n est qu en 2008 que Siaka Diarra put convaincre un petit groupe de réparateurs de Bamako de créer une organisation commune. Le président de l association mesure l évolution de sa profession : « Notre pays n a pas d usine de fabrication de motos, nous n avons pas non plus de centre de formation spécialisé dans la réparation de motos. Cependant, nous constatons une avancée significative dans l exercice du métier. A l arrivée de chaque nouvelle marque de motos sur le marché, nous nous adaptons à ce nouvel engin et trouvons une solution aux pannes qui pourraient survenir sur lui. Cependant, nous reconnaissons que le secteur est mal organisé mais nous sommes entrain de tout faire pour mieux le dynamiser ».
Des efforts d organisation
C est pourquoi, souligne-t-il, l organisation s efforce d avoir des représentations dans toutes les communes du District et dans toutes les régions du pays. Ce regroupement embryonnaire permet d échanger les expériences, capitaliser les acquis et défendre les intérêts des sociétaires. Siaka Diarra déplore à ce propos la prolifération anarchique des ateliers de réparation.
Généralement, les promoteurs de ces ateliers ne sont pas bien formés, regrette-t-il. Pour participer au nécessaire effort de formation, l AREMOM a noué un partenariat avec l Agence pour la promotion de l emploi des jeunes (APEJ). Le projet consiste à rassembler tous les réparateurs sur des sites mieux appropriés en ville. Sur ces sites, sera développée en marge de la réparation, la vente de pièces détachées.
En attendant, à Bamako, il existe deux types d unité réparation : les réparateurs simples et les réparateurs revendeurs de cyclomoteurs d occasion. Les réparateurs simples sont installés le long des routes, sous des hangars, devant des magasins, et possèdent l outillage indispensable pour réparer les pannes courantes (décalaminage, changement de pièces défectueuses, etc.)
Ces unités sont tenues par un chef d atelier, ses aides et ses apprentis. Les aides, sont d anciens apprentis qui ont achevé leur formation mais qui ont décidé de rester avec le patron et de profiter de la clientèle de l atelier. Ils lui versent quotidiennement une somme forfaitaire. Celle-ci dépend de la recette journalière mais peut atteindre 2000 Fcfa. Quand aux apprentis, ils reversent directement au patron tout ce qu ils gagnent et ce dernier leurs octroie une petite somme quotidienne, de 250 à 1000 Fcfa.
Selon Siaka Diarra, le chiffre d affaires journalier de ces petites unités oscille entre 3000 et 25000 Fcfa. Les réparateurs vendeurs de motos d occasion sont installés dans les centres commerciaux comme le marché du Dabanani ou le Dibida. Outre la réparation, ils achètent donc des motos usagés, les réparent et les revendent. Selon Siaka Diarra dans les jours à venir l AREMOM envisage d insérer dans l apprentissage la formation théorique en langues nationales et de réglementer les conditions de recrutement des apprentis.
Des efforts sont en cours pour homologuer le prix des différentes réparations effectuées sur les engins sur l ensemble du territoire du District pour permettre au métier de nourrir convenablement son homme.
___
Par L'Essor)
(