Selon les perspectives du Fonds monétaire international (FMI), l’économie congolaise devrait croître de 10,4% en 2015 contre 8,9 en 2014. Des chiffres qui font rêver. Le 25 mars dernier, le gouvernement congolais a réuni tous ses partenaires au développement et les représentants du peuple pour rendre compte de ce qu’il a réalisé et continue à réaliser. Ceci avec beaucoup d’autosatisfaction, surtout que ses partenaires sont contents des performances du pays. Exercice de communication louable. Cependant, l’auto-satisfecit gouvernemental cache beaucoup de difficultés de ce pays.
Le premier ministre a évoqué l’émergence de la RDC à l’horizon 2030 selon le gouvernement. Le PNUD RDC, lors de la restitution de son rapport national sur le développement en 2014, a affirmé que cela était dans l’ordre du possible. Déjà, soulignons que ce concept d’émergence est un concept ambigu, qui n’a jamais été vraiment défini de manière unanime. L’économiste Dalila NICET-CHENAF, par exemple, a fait remarquer que ce concept renvoie aux simples performances et dans d’autres au processus du développement. Considérons la dimension économique. Selon les chiffres du premier ministre, le PIB par habitant est maintenant de 600 USD. Les données de certains experts nationaux tablent sur 732 USD. Selon les données les plus récentes de la Banque mondiale, il serait à moins de 500 USD. En appliquant la règle de 72, laquelle permet d’estimer le temps de doublement d'un capital par exemple, chère aux économistes, en considérant le taux de croissance du PIB par habitant le plus optimiste (6%), il faut à la RDC 12 ans pour voir son PIB per capita doubler. Quelle que soit la source retenue parmi les 3 citées, on se rend compte que d’ici 2030, la RDC ne pourra pas atteindre le critère des pays à revenu intermédiaire (tranche inférieure : de 1 036 à 4 085 dollars et tranche supérieure : de 4 086 à 12 615 dollars).
L’étude optimiste de Pinkovskiy & Sala-i-Martin (2014) indique qu’entre 1990-2011, le taux de pauvreté a baissé de 28,9% en Afrique, mais la RDC est parmi les pays qui vont retarder l’atteinte des OMD. Une autre étude conduite par des économistes de la BAD, partenaire de la RDC, avec des hypothèses très optimistes, montre que d’ici 2030, l’extrême pauvreté ne sera pas éradiquée. La République démocratique du Congo est parmi les pays qui tire les performances de l’Afrique vers le bas d’autant que ce pays sera parmi ceux qui auront le taux de pauvreté le plus élevé. Ces auteurs concluent néanmoins qu’il est possible de réduire de manière non négligeable la pauvreté à condition d’avoir une croissance soutenue, forte et stable (Ncube et al., 2014).
Ainsi, il est possible d’avoir une forte croissance, sans que la pauvreté baisse, d'où la nécessité de raisonner en termes de qualité de croissance.Cette notion tient compte à la fois de la soutenabilité, de la force et de la stabilité de la croissance, mais aussi de sa dimension sociale et de ses sources. Selon l’indice mesurant la qualité de croissance récemment proposé par des économistes du FMI, variant entre 0 et 1, la RDC a bénéficié d’une note moyenne de 0.37 entre 1990-199 et de 0.42 entre 2000-2011. La qualité de la croissance s’est améliorée mais elle reste encore très faible. Ceci explique notamment les faibles perspectives, notamment en termes d’emplois.
C’est là où réside le principal défi de l’État congolais, tant pour l’actuel gouvernement comme celui qui va lui succéder. En effet, pour espérer améliorer son score en termes de qualité de la croissance, l’économie congolaise doit changer notamment de structure productive pour cesser d’être rentière. La Banque mondiale, dans son Rapport de suivi de la situation économique et financière 2014, est revenue encore sur le fait que ce sont des performances économiques sur fond de vulnérabilités persistantes (faible mobilisation des recettes, expliquée notamment par la corruption, croissance tirée par l’exportation des matières premières, etc.). La valeur ajoutée de la fabrication manufacturière en % du PIB est passée de 15,18 en 1980 à 4,55 en 2011. Celle de l’industrie est de 32,25 en 1965 à 21,84% en 2011 et des service de 47,65 en 1965 à 32,55% en 2011. Selon l’indice de complexité économique (ICE), la RDC est classée 47ème sur 53 pays africains en 2014. Cela traduit la faible diversification de l’économie de la RDC ainsi que les avantages comparatifs limités du pays.
Somme toute, avoir de l’ambition est une bonne chose, mais encore faut-il avoir aussi une vision et travailler pour y arriver. Autrement dit, la RDC doit travailler durement en libérant notamment le potentiel et multipliant des opportunités afin de faire naître davantage de marché mais aussi des idées pour faire face à son défi de développement. C’est ici que notamment la question du climat des affaires s’impose avec acuité. C’est à cette condition que l’économie va davantage se diversifier pour créer plus de richesse et d’emplois.
Références:
Mlachila, M., Tapsoba, R. and Tapsoba, S. (2014), A Quality of Growth Index for Developing Countries: A Proposal, IMF Working Paper WP/14/172
Dominic Wilson, Kamakshya Trivedi,Stacy Carlson and José Ursúa (2011), The BRICs 10 Years On: Halfway Through The Great Transformation , Global Economics Paper No: 208.
Maxim Pinkovskiy & Xavier Sala-i-Martin, 2014. "Africa is on time," Journal of Economic Growth, 19(3), pages 311-338, September.