Une étude intéressante publiée par la Royal Academy of Engineering identifie les besoins en ingénierie du continent et tente du2019apporter des axes de résolution de ce paradoxe africain.

Pourquoi les taux de chômage en Afrique restent-ils élevés même pour les diplômés en ingénierie ? Ce questionnement constitue un réel paradoxe puisque, dans le même temps, l'Afrique manque cruellement d'ingénieurs qualifiés pour assurer son développement économique et social et pour favoriser l'innovation et la croissance.

Une étude intéressante publiée par la Royal Academy of Engineering identifie les besoins en ingénierie du continent et tente d apporter des axes de résolution de ce paradoxe africain.

Les niveaux de chômages notables observés chez les diplômés en ingénierie « pourraient être dus en partie à la réticence des diplômés en ingénieries à accepter des postes mal payés dans les zones rurales », indique l étude qui identifie toutefois que la principale raison « est que les ingénieurs ont obtenu leur diplôme sans avoir les compétences et l'expérience nécessaires pour être employables ».

Comment expliquer la pénurie d ingénieurs qualifiés ?

S il est vrai que le manque d'ingénieurs qualifiés varie d un secteur d ingénierie à l autre et des pays à l autre en fonction de leurs niveaux professionnels, ce problème reste largement répandu en Afrique subsaharienne. Le rapport identifie plusieurs causes :

Les politiques gouvernementales et les approches en ingénierie. « Le bas niveau des investissements publics dans des projets d'ingénierie sur plusieurs décennies a généré une demande pour des ingénieurs incompatibles, ce qui a sérieusement limité les possibilités pour les ingénieurs d'acquérir des compétences commercialisables et de l'expérience », note le rapport.

Les gouvernements de la région ne parviennent souvent pas à respecter les normes d'ingénierie à travers des exigences plus sévères lors de l inscription professionnelle. « L'échec ou le manque de réglementation par rapport aux entreprises étrangères d'ingénierie est également préjudiciable à la capacité locale », indique l étude. « Les lois relatives au contenu local, lorsqu elles existent, ne sont souvent pas correctement appliquées afin d'assurer le transfert des connaissances entre sociétés étrangères et des ingénieurs locaux ».

La faible qualité des formations. « Les formations d'ingénieur en Afrique subsaharienne sont souvent trop théoriques, basées sur des programmes obsolètes et inadaptées aux besoins locaux », constatent les auteurs de l étude. En outre, les facultés d ingénierie n'ont généralement pas les ressources nécessaires pour offrir une expérience pratique en laboratoire appropriée et le personnel universitaire est souvent mal payé, ce qui en fait un poste moins attrayant pour des enseignants de haute qualité. « Il est particulièrement difficile pour les universités de rivaliser avec le secteur privé pour attirer du personnel universitaire ayant une expérience industrielle ».

Le manque d opportunités pour acquérir une expérience de travail au titre d'étudiant et, une fois dans le lieu de travail, de recevoir une formation. En outre, le poids de la fuite des cerveaux des ingénieurs de qualité en Afrique subsaharienne se fait encore sentir car ceux qui acquièrent les compétences et l'expérience, abandonnent souvent leur emploi au profit de pays où les salaires et les conditions de travail sont meilleurs.

Quelles solutions ?

Le rapport liste un certain nombre de recommandations notamment à l attention des gouvernements, des industriels et des établissements de formations.

Les gouvernements sont par exemple exhortés à investir dans la recherche pour identifier les compétences nécessaires aux ingénieurs en adéquation avec les besoins nationaux, à user de politiques industrielles intelligentes pour créer de l emploi et promouvoir le développement des entreprises en intégrant des programmes de stages pour améliorer les compétences des élèves-ingénieurs, à investir dans la mise en Suvre de meilleures formations d ingénieurs.

Les entreprises devraient quant à elles construire des liens plus solides avec les institutions de formation pour s assurer que les jeunes diplômés aient des compétences en rapport avec leurs besoins. Pour les entreprises étrangères en Afrique, le rapport les incite à appliquer un réel transfert de connaissances vers les ingénieurs locaux.

Enfin, les établissements de formation supérieure sont notamment encouragés à établir des processus de revue et de mis à jour des programmes pour les cursus d ingénierie.

L étude démontre également que la faible capacité d'ingénierie est un obstacle au développement de l'infrastructure nationale et régionale ; ce qui affecte le développement économique des pays de la région. L'impact le plus évident se situe au niveau des zones rurales où il est plus difficile d'attirer des ingénieurs qualifiés et où les infrastructures sont particulièrement pauvres, voire inexistante.

« Au-delà de l'impact direct de l'insuffisance des infrastructures, le manque de capacité d'ingénierie entrave la croissance économique », relève l'étude « La capacité limitée des fournisseurs locaux, par exemple, a conduit à la dépendance généralisée vis-à-vis des sociétés d'ingénierie étrangères, ce qui peut entraîner la fuite des capitaux et une réduction des opportunités d'emploi ».

Analyste sur Nextafrique.com.

JP Ntchoum est Responsable des systèmes d'informations dans le secteur pharmaceutique. Deux passions : les systèmes d'informations et les mécanismes de développement.