Lu2019industrie de lu2019aviation en Afrique est confrontée è0 un certain nombre de défis, dont des normes de sécurité aérienne peu relevées et des problè8mes de fonctionnement.  | Crédits Photo : afrique7.com

Pourquoi a-t-on peur de prendre l'avion quand il s'agit de compagnies aériennes africaines ? Les statistiques de crash, la mise sur liste noire européenne et le caractère éphémère de la plupart des compagnies (faillite d'Air Afrique en 2002, d'Air Gabon en 2006 et récente suspension des vols d'Air Mali en fin 2012 entre autres) sont autant de facteurs qui contribuent à alimenter la phobie des compagnies africaines. Que cachent ces constats et statistiques bruts ?

L'industrie de l aviation en Afrique est confrontée à un certain nombre de défis, dont des normes de sécurité aérienne peu relevées et des problèmes de fonctionnement. Les compagnies aériennes sont souvent confrontées à des problèmes de gestion des flottes et des services, au renouvellement des capitaux pour les opérations de maintenance et à la difficulté d entretien des vieux avions. Elles sont défiées dans leurs capacités à élargir les itinéraires à la fois nationaux et internationaux, face à des restrictions d'espace aérien voire même à l'impossibilité d'acheter des pièces nécessaires à la mise à niveau des flottes.

Pour les compagnies aériennes afro-exploitées, il y a eu à la fois des succès et des échecs quant il s agit de répondre aux normes internationales de vol et de se maintenir face à la concurrence internationale. La situation reste en évolution, mais en termes de sécurité, l'équilibre semble avoir basculé en général en faveur de l'échec car en dépit des améliorations, les compagnies aériennes d'Afrique restent celles qui enregistrent toujours le nombre le plus élevé d accidents d avions mortels au monde.

L impact du lien historique de l'Afrique avec ses colons européens

Le lien historique de l'Afrique avec ses colons européens a façonné non seulement l'état actuel des systèmes de transport continentaux en général, mais aussi le secteur du transport aérien.

Au fil des années, une longue liste de compagnies aériennes a opéré à travers l'Afrique, chacun des pays ayant exploité une variété de transporteurs nationaux et privés. De nombreux transporteurs africains modernes prennent leurs racines dans le colonialisme européen, et l industrie de l aviation en Afrique est encore fortement influencé par ce passé.

L'un des héritages de cette histoire, c'est que la plupart des compagnies aériennes appartiennent au gouvernement car les compagnies aériennes nationales ont été établies après les indépendances à des fins d affichage coûteux de patriotisme. En raison du vide d'expertise subsistant après le départ des puissances coloniales, ainsi que d'un manque de capital financier, l appropriation par l'État était souvent le seul moyen de survie d une compagnie aérienne.

Cependant, ce même manque d'expertise a conduit à une mauvaise gestion. De même, l'insuffisance des infrastructures et le manque de ressources au sein du gouvernement ont façonné une industrie très peu compétitive face à ses homologues internationaux. Cette histoire et ces luttes ont contribué de façon significative aux problèmes du continent en termes de sécurité aérienne.

L'Afrique, championne du monde des accidents d'avions mortels

De sérieuses préoccupations concernant la sécurité aérienne en Afrique ont été soulevées dans un rapport de 2009 de la Commission européenne sur l'amélioration de la sécurité aérienne africaine, qui a noté que, bien que le continent ne représente que 4% du trafic aérien mondial, il est responsable d'un taux de pertes en appareil 9 fois supérieur la moyenne mondiale. Les statistiques montrent également que le continent représente la majorité des accidents d avions mortels du monde. L aviation civile internationale (OACI) a noté qu'au cours de la période allant de 2001 à 2010, le taux d'accidents associés à un nombre relativement faible de vols commerciaux dans la région était environ 4 fois plus élevé que dans d'autres régions. En outre, selon la Banque mondiale « un passager aérien est 30 fois plus susceptible de mourir dans un accident en Afrique qu aux Etats-Unis, le pays le plus sûr au monde pour l'aviation ».

Le rapport de la Commission européenne suggère que la sécurité aérienne en Afrique peut être compromise par un problème récurrent de carences en matière de certification et de surveillance des opérations aériennes. C'est parce qu on pense que les compagnies aériennes sont à court des ressources dont elles ont besoin afin que le personnel qualifié puisse procéder de manière appropriée à des vérifications et à la surveillance des procédures de sécurité. En outre, les règles de fonctionnement spécifiques ne sont souvent pas du tout en place, ou, lorsqu elles le sont, non conformes aux normes internationales.

Une influence géopolitique ?

Il faut noter que la réputation des compagnies aériennes africaines considérées comme dangereuses n est, cependant, pas toujours fondée sur la vérité des faits et des chiffres. Le rôle de la politique ne peut pas être omis dans les discussions sur la sécurité aérienne des compagnies-africaines. Par exemple, dans un rapport de l association des compagnies aériennes africaines (AFRAA), il a été suggéré que les interdictions aériennes dans l'espace aérien de l'Union européenne (UE) ne sont pas seulement dues aux préoccupations concernant les normes de sécurité, mais aussi à la volonté des transporteurs européens de contrôler l'industrie aérienne.

Sur les 21 pays figurant sur la liste noire de l'UE, 14 sont africains. Reuters a par ailleurs rapporté que selon Tony Tyler, directeur général de l'International Air Transport Association (IATA), l'UE permet aux compagnies aériennes européennes de desservir les pays dont les propres transporteurs ont été interdits. En outre, la liste des opérateurs interdits par l'UE en comporte plusieurs qui sont sans danger. L'UE a également échoué à aider les transporteurs qui ont besoin d'une aide pratique pour résoudre les carences dans la surveillance réglementaire afin de répondre aux normes européennes. Pourtant, même si la politique a une influence sur le débat relatif aux normes de sécurité des compagnies aériennes basées en Afrique, il subsiste le vrai problème du manque de sécurité intrinsèque à beaucoup d'entre elles.

Le manque de ressources empêche également les compagnies aériennes de se maintenir et d'améliorer leurs avions et les infrastructures. L'infrastructure de contrôle aérien a été sous-développée et a suscité des craintes des autorités internationales au sujet de la sécurité du trafic aérien sur le continent. Cette situation est problématique pour certains transporteurs africains parce que les itinéraires internationaux sont plus lucratifs que ceux de leurs pays. Les compagnies aériennes utilisent les profits de leurs services de vol internationaux pour financer la plupart de leurs opérations nationales et la modernisation de leurs flottes. Sans les bénéfices liés à la desserte des lignes internationales, les compagnies aériennes seraient incapables de veiller à ce que leurs appareils répondent aux normes de sécurité internationales, même si elles étaient enclines à le faire.

Au-delà des statistiques : les efforts des compagnies afro-exploitées

Bien que les statistiques montrent que la sécurité aérienne est toujours problématique à travers le continent, des améliorations sont en cours. Les données de l'IATA montrent qu'avec une amélioration de 61% en matière de sécurité aérienne au cours des dernières années, l'Afrique subsaharienne a connu la plus grande amélioration au monde, suivie par le Moyen-Orient et l Afrique du Nord, avec un renforcement de 25%. Ceci en dépit des problèmes mentionnés ci-dessus qui continuent d'affliger les régions du continent, exacerbées par la pauvreté, les impôts élevés et la corruption. Mais il reste encore beaucoup à faire. Même dans des pays comme le Nigeria, doté « d un leadership solide en matière de sécurité », des problèmes peuvent toujours survenir. Ce pont a été ré-établi par l'IATA et l'OACI citant notamment les deux accidents d'avion au Nigeria en juin 2012, et notant que le taux d'accidents pour les nouveaux jets en Afrique est encore 92% plus élevé qu'il ne l'était en 2011.

L affiliation à l'IATA est subordonnée au respect des normes de sécurité très strictes. L'audit de l organisme de sécurité opérationnelle (IOSA) a été effectué sur plusieurs compagnies aériennes basées en Afrique, qui, ayant vérifié les exigences rigoureuses de gestion opérationnelle et des systèmes de contrôle, sont désormais membres de l'IATA. En 2011, les compagnies aériennes de l IOSA basées en Afrique ont enregistré un taux d accident de vols d 1,84 par million, très proche de la moyenne mondiale IOSA à 1,73. L'importance de l'amélioration de la sécurité des compagnies aériennes africaines à travers le respect des normes de sécurité IOSA est mise en évidence par le fait que les compagnies aériennes africaines qui ne font pas partie de l'IOSA ont un taux de 9,31 par million. Les compagnies aériennes qui ont fait d'excellents progrès dans le relèvement des niveaux de sécurité, dont la plupart sont associées à des alliances de compagnies aériennes internationales telles que Sky Team, et qui fournissent des services de vols réguliers internationaux et domestiques, sont South African Airways, Ethiopian Airlines et Kenya Airways.

En 2012, des plans d'amélioration de la sécurité aérienne en Afrique ont été mis en oeuvre pour aider à réduire le nombre d'accidents qui reste élevé. L'IATA et l'OACI, en collaboration avec les parties prenantes de premier plan de l'aviation et des organismes de réglementation, se sont engagés à appliquer les cinq points du Plan africain d action stratégique d'amélioration pour combler les lacunes de sécurité et renforcer la surveillance réglementaire dans la région d'ici à fin 2015, à la suite du Sommet de la sécurité en Afrique qui s'est tenu à Johannesburg en mai 2012. Le plan prévoit : « l adoption et la mise en Suvre d'un système de surveillance réglementaire efficace et transparent; la mise en Suvre de mesures de sécurité des pistes; la formation sur la prévention de perte de contrôle; la mise en Suvre de l'analyse des données de vol (FDA); la mise en Suvre des systèmes de gestion de la sécurité ». Contrairement à l'approche de l'UE face aux problèmes de sécurité aérienne de l'Afrique, le plan prévoit ainsi des solutions pratiques.

Il y a de l'espoir

L'espoir repose sur de meilleures politiques et une sécurité améliorée qui relèvera les normes et ouvrira plus d'options internationales aux compagnies aériennes, en plus de contribuer à la croissance économique dans la région. D'autres plans d'amélioration ont inclus la formation d'organismes régionaux de supervision de la sécurité et des normes de sécurité, qui peuvent contribuer à atténuer les problèmes créés par les dirigeants corrompus, et accroître la responsabilisation.

En outre, en raison d'un prêt de 40 millions d euros de la Banque européenne d'investissement en 2012, les systèmes de contrôle du trafic aérien à travers l'Afrique vont être mis à jour. Le soutien du groupe « permettra d'améliorer les installations de navigation et de contrôle du trafic aérien, les instruments météorologiques, de même que les infrastructures de sécurité pour la circulation dans l espace aérien géré par l ASECNA en Afrique de l Ouest, au-dessus de l Atlantique et à Madagascar » ; éléments essentiels pour soutenir la croissance attendue du trafic aérien au cours de la les 10 prochaines années. Selon la Banque africaine de développement, le trafic aérien international en Afrique devrait croître à un taux moyen de 6,1% en 2015, ce qui en fait l'une des trois meilleures régions juste derrière le Moyen-Orient et l Asie-Pacifique.

En somme, la sécurité du transport aérien demeure un défi en constante évolution pour le développement africain, et d'importantes améliorations sont nécessaires. Bien qu au niveau mondial, les compagnies aériennes ont connu une baisse de leurs taux de courriers en 2012, cela n'a pas été le cas en Afrique. En 2012, les transporteurs africains ont souffert de 12,69 pertes d appareils par million de vols, en déclin de 57% par rapport à 2011. Mis à part le fait de sauver des vies, l'importance de la sécurité aérienne réside dans la contribution de l'aviation à la croissance et au développement économique, comme le suggère Tony Tyler de l'IATA, déclarant que « les politiques publiques doivent reconnaître la contribution de l'aviation à la santé de l'économie ». En attendant l amélioration des normes de sécurité, les compagnies aériennes Afro-exploités peuvent continuer à être freinées dans leur indispensable expansion au sein des marchés internationaux. Cependant, des efforts et des interventions ciblés peuvent permettre aux compagnies aériennes africaines d aller au-delà des statistiques, et devenir des success stories.

Analyste sur Nextafrique.com.

Titulaire d'un master de communication, Marc-Olivier travaille à Paris comme chargé des relations extérieures au sein d'une société audiovisuelle. Il est passionné d'actualités et aime particulièrement connaître les vraies histoires derrière les annonces furtives.