Le Burkina Faso a démontré un engagement continu pour contribuer à la baisse des taux de prévalence des mutilations génitales féminines (MGF). Grâce à des efforts soutenus contre les MGF dans les législations à la fois nationales et internationales, couplés à 20 années d expérience de dans la prévention et la réponse à cette pratique néfaste, le Burkina Faso s'est imposé comme un leader africain et mondial dans la lutte contre les MGF.
Le Burkina Faso et les leçons de sa politique anti-MGF devraient être considérés comme un exemple pour la communauté internationale, les gouvernements et les organisations qui cherchent des moyens de lutte contre les MGF, une pratique bien ancrées dans nombre de pays africains.
A travers l exemple du Burkina, analysons comment les mutilations génitales féminines peuvent être éradiquées grâce à des efforts constants qui trouvent leur motivation dans la protection des droits de l'Homme fondamentaux des femmes et des jeunes filles.
Encadré : Les MGF, c est quoi ?
La mutilation génitale féminine (MGF) est une pratique traditionnelle néfaste qui consiste en l'ablation partielle ou totale des organes génitaux externes de la femme ou la lésion des organes génitaux féminins pour des raisons non médicales. Elle est principalement pratiquée dans 29 pays africains (voir le Grahique plus bas). Selon les estimations de l OMS, chaque année en Afrique trois millions de filles courent le risque de MGF, tandis qu'environ 92 millions de filles âgés de 10 ans ou plus ont subi une MGF.
Bien que les normes culturelles et sociales sous-tendent les mutilations génitales féminines et aident à les perpétuer, cette pratique est maintenant largement reconnue comme une violation des droits de l Homme des femmes et des filles. Le Burkina Faso a depuis longtemps adopté ce point de vue dans la lutte contre les mutilations génitales féminines à l'échelle nationale. Ses 20 années d'engagement ont permis au Burkina Faso de jouer un rôle de premier plan à l échelle africaine et internationale pour promouvoir les efforts concertés visant à mettre fin aux MGF.
La mutilation génitale féminine, une pratique hors-la-loi
La MGF n'a pas aucun bienfait pour la santé, car elle supprime et endommage le tissu génital féminn sain et normal. Au contraire, elle provoque une multitude de conséquences négatives, surtout pour la santé des filles et des femmes mutilées. Les MGF résultent, le plus souvent, en de fortes douleurs immédiates, et peuvent conduire à des saignements critiques, à une hémorragie, à des infections bactériennes, à une rétention d'urine, à une ulcération de la région génitale et à des lésions dans les tissus à proximité des organes génitaux. À long terme, les MGF peuvent provoquer des infections récidivantes de la vessie et des voies urinaires, des kystes, et l'infertilité. Elles augmentent le risque de complications à l'accouchement et de décès des nouveaux nés, pouvant aussi exiger, dans le cas de l'infibulation (la forme la plus extrême de MGF), des interventions chirurgicales ultérieures pour les rapports sexuels et l'accouchement. Les MGF ont aussi des effets psychologiquement néfastes, car elles peuvent causer un traumatisme et un choc à cause de la violence avec laquelle cette pratique peut être effectuée. En outre, cette pratique est souvent imposée aux jeunes filles dès l'âge de cinq ans et peut être le résultat d une pression sociale.
Les dommages provoqués par les mutilations génitales féminines et le manque de choix face à cette pratique néfaste conduit à la reconnaissance incontestée, au niveau international, des mutilations génitales féminines comme une violation des droits fondamentaux de l'homme des filles et des femmes.
D ailleurs, plusieurs traités africains ont établi des normes pour protéger contre les mutilations génitales féminines, à savoir la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples et son Protocole relatif aux droits des femmes en Afrique et la Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant.
Le 20 décembre 2012, l'Assemblée générale de l'Organisation des Nations Unies (ONU) a approuvé la résolution sur l intensification de l action mondiale visant à éliminer les mutilations génitales féminines. Les pays et les acteurs internationaux et locaux peuvent s appuyer sur ce document pour mettre fin aux MGF. Le Burkina Faso fait partie des pays africains qui ont demandé à l'Union Africaine d'approuver l'interdiction des MGF à l'échelle du continent. Ce pays est également le promoteur de la résolution des Nations Unies sur les MGF.
Les MGF au Burkina Faso : Faits et chiffres
Le Burkina Faso est un des pays africains où l'infibulation est pratiquée, même si l'excision est de loin la plus répandue.
L'enquête 2010 sur la démographie et la santé, menée par le Gouvernement du Burkina Faso et soutenue par diverses organisations internationales, fournit des statistiques sur la prévalence et les formes des MGF au Burkina Faso. Un échantillon de 15.000 hommes et femmes a été considéré pour mener l'enquête dans tout le pays. Au total, 70% des femmes interrogées ont admis avoir subi une MGF, mais avec une disparité selon les générations : 89% des femmes de 45-49 ans contre 58% des filles de 15 à 19 ans ont subi des MGF. Cela peut être considéré comme un signal que la MGF est en baisse constante.
La prévalence des MGF chez les femmes burkinabés est influencée par des paramètres comme le lieu de résidence, l'origine ethnique, la religion et l'éducation. Les MGF sont plus fréquentes en milieu rural qu'en milieu urbain, avec un degré de prévalence de 78% et 69% respectivement. Seules les femmes appartenant au groupe ethnique Touareg / Bella ont été relativement moins soumises aux MGF (22%), tandis que tous les autres groupes ethniques du Burkina Faso ont des taux beaucoup plus élevés en matière de MGF, allant de 70% à 80%. Bien qu'aucune religion n exige dans ses dogmes de pratiquer les MGF, les femmes musulmanes sont plus susceptibles d'être mutilées (81%). Cependant, un proportion importante de femmes catholiques et de protestantes (60%) ont subi une mutilation génitale.
Fait marquant, la grande majorité des hommes et des femmes au Burkina Faso ne pense pas que la MGF est une pratique exigée par la religion. Enfin, comme le montrent les statistiques, les femmes moins instruites sont plus susceptibles d'exciser leurs filles. Les filles burkinabés subissent des MGF très tôt. Il est rapporté que dans 60% des cas, la MGF est pratiquée avant le cinquième anniversaire d'une fille. La MGF est principalement réalisée par des exciseuses traditionnelles, avec toutes les conséquences sanitaires que l'utilisation de dispositifs non stériles dans des endroits sales, sans aucune formation médicale, sont susceptibles de causer.
Les causes : Pourquoi les MGF continuent-elles d être pratiquées ?
Si ce qui précède donne une idée de la prévalence des MGF au Burkina Faso et suggère que la pratique s estompe lentement, il est important de comprendre quelques-unes des raisons pour lesquelles les MGF continuent d'être pratiquées dans le pays. Culturellement, les MGF confèrent un statut social convenable : les filles sont considérées comme pures et prêtes à devenir des épouses fidèles et dignes.
De fait, les promoteurs de la MGF pensent que cette pratique contribue à préserver la chasteté et la virginité des jeunes filles avant le mariage, contrôle la sexualité des femmes, assure « la fidélité, empêche la promiscuité, et évite l égarement les filles épouses ». Stimulés à la fois par des pratiques sociales et culturelles, les gens croient que les mutilations génitales féminines, contribuent à améliorer et maintenir l'hygiène personnelle (comme la circoncision). Sexuellement, et toujours avec un discours lié à la santé, certaines personnes au Burkina Faso voient le clitoris comme un organe qui augmente la masculinité de la femme et provoque des dommages au fStus pendant la grossesse ; d ou le fait qu il soit enlevé.
Enfin, la pression sociale, et la nécessité de se conformer à ce que la majorité pense, influe sur la perpétuation de cette pratique. Comme affirme un militant pour les droits de l Homme, il dit, « si vous vivez dans une communauté où toutes les femmes sont mutilées, vous n'avez aucun moyen de comparaison. Vous n écouterez pas les gens qui vous disent le contraire de ce que tout le monde croit ».
Lutte contre les MGF : Le Burkina Faso est un leader
Comme mentionné, le Burkina Faso s'est engagé à mettre un terme aux MGF depuis plus de 20 ans. Le pays n'est pas seulement l'un des signataires de tous les accords internationaux et régionaux pertinents relatifs aux droits de l'homme pour la protection contre les MGF, mais les a également tous ratifiés. En 1991, le Burkina Faso a modifié sa Constitution nationale pour adopter le langage de la Déclaration universelle des droits de l'homme et fixer l'égalité entre les individus, sans discrimination d'aucune sorte.
Par ailleurs, le Burkina Faso a été l'un des précurseurs dans le monde entier dans l approbation d une législation nationale contre les MGF en 1996, ce qui, aujourd'hui encore, est considéré comme l'un des actes les plus difficiles à poser dans l'ensemble continent africain. Selon la loi, les exciseuses et leurs complices (la plupart du temps, les parents de filles coupées) peuvent être condamnés à trois ans d'emprisonnement et à une amende jusqu'à 900.000 Francs CFA. Récemment, avec l'appui de l'ONU, le Burkina Faso a élaboré un plan d'action national pour la promotion de l'élimination des MGF dans le cadre d'une politique de tolérance zéro (2010-2015) qui vise à mettre fin aux MGF d'ici 2015.
Outre les efforts dans l application de la loi et la législation, le Burkina Faso a entrepris diverses initiatives au fil des années pour lutter contre la pratique des MGF. En 1990, le gouvernement a créé le Comité National pour la Lutte contre la Pratique de l'Excision (CNLPE), qui a établi une permanence téléphonique nationale contre les MGF et a soutenu une campagne nationale de sensibilisation sur les MGF. En 1990, le numéro vert SOS excision a été mis en place. Cette ligne peut être utilisée pour dénoncer les gens qui ont pratiqué des mutilations génitales féminines (les exciseuses) ou qui ont forcé leurs filles à le subir (surtout les parents), ou pour appeler à l'intervention des autorités quand la MGF est sur le point d'être exécutée. Les dossiers indiquent que le plus souvent ce sont les femmes, les personnes instruites et les jeunes qui appellent.
En parallèle, le CNLPE a promu une vaste campagne visant à arrêter les mutilations génitales féminines. Les activités incluaient de faire passer des messages sur les MGF à travers les médias et de fournir une aide médicale aux victimes des MGF avec des équipes mobiles de sécurité pour accroître la sensibilisation et faire appliquer la loi. Les travailleurs sociaux, les personnels des radios locales et les gendarmes ont voyagé de village en village pour sensibiliser. Fait intéressant, ces séances de sensibilisation ont abouti à la conclusion que le levier le plus efficace pour mettre fin aux MGF au sein des communautés est la santé reproductive et pas les droits de l'homme. La mutilation génitale féminine et de sa tendance à causer des problèmes pendant l'accouchement est plus facile à assumer et à comprendre que le fait que la coupe puissent conduire à des conséquences indésirables et constituer une violation des droits humains fondamentaux. Ceci illustre l'importance de comprendre les facteurs contextuels et les intérêts des personnes concernées (par opposition à l'application des idées et des concepts de « l'extérieur »), une leçon qui devrait être rappelée dans toute activité de sensibilisation.
Grâce notamment à la dure loi nationale contre les MGF, la campagne de sensibilisation et la hotline, le nombre de MGF au Burkina Faso semble avoir diminué. Les jeunes filles sont moins susceptibles d'être victimes de mutilations génitales féminines, et la majorité des femmes et des hommes, en viennent à penser que la MGF est une pratique nuisible et doit être éradiquée.
Cependant, bien que les chiffres indiquent que les MGF diminuent lentement, il est peu probable que la pratique soit totalement éradiquée de si tôt. Par exemple, puisque les parents sont conscients des conséquences juridiques de l'exécution des MGF sur leurs filles, ils ont tendance à leur faire subir cette procédure quand elles sont encore des nourrissons et ne peuvent pas rendre compte ni attirer l'attention des autorités. De même, les Burkinabè peuvent facilement traverser les frontières et aller au Ghana, au Togo, au Bénin, au Niger, au Mali et en Côte-d'Ivoire pour exciser leurs filles, où les lois sur les MGF sont mal appliquées ou font défaut.
De la même façon, les gens peuvent mentir lorsqu'ils sont interrogés sur les MGF par crainte de conséquences judiciaires et pécuniaires. De plus, les enfants peuvent être réticents à impliquer leurs parents de peur de les faire arrêter. En outre, comme indiqué plus haut, la pratique des MGF est étroitement liée à des croyances sociales et culturelles profondément enracinées qui ne peuvent pas être modifiées ou remises en question du jour au lendemain.