Au Cameroun, 36% des jeunes filles se marient avant l'âge de 18 ans, un phénomène justifié par les pratiques socioculturelles et le sous-emploi, selon les études.
Pays d'Afrique centrale, le Cameroun illustre le constat selon lequel en Afrique subsaharienne, les mariages précoces sont le plus répandus. Le poids de la population féminine en âge de procréer dans ce pays est important. Rapporté à 24,6% en 2012 par les prévisions démographiques, soit une hausse de 0,3% par rapport à 2005, il est porté à 25% en 2020.
Dès 12 à 14 ans, les jeunes filles sont exposées aux risques de grossesses et à 15 ans, 100 filles ont déjà plus de 7,1 enfants, d' après les résultats du dernier recensement général de la population et de l'habitat publié en 2010.
Malgré leur tendre âge, ces adolescentes sont la cible des mâles ne témoignant pas d'intérêt en faveur de l'évolution sociale de la jeune fille. L'enquête démographique de santé (EDS) de 2004 avait recensé jusqu'à 22% des femmes de la tranche de 25 à 39 ans qui se sont ainsi mariées avant leurs 15 ans.
Pour la ministre camerounais de la Promotion de la Femme et de la Famille, Marie Thérèse Abena Ondoa, lors de la célébration de la première édition de la Journée internationale de la fille jeudi, le fait le plus déplorable est que ces jeunes Camerounaises se mettent en couple avec "des hommes un peu plus âgés, parfois ayant l'âge de leurs grands-pères".
Erigées carrément en norme communautaire, certaines pratiques socioculturelles font effectivement des jeunes filles dans différentes régions camerounaises des espèces de "propriétés" acquises à des partenaires d'un âge assez avancé, souvent relativement aisés financièrement, qui leur sont imposés, tantôt au nom de la religion, tantôt au nom des us et coutumes ou bien la cupidité des parents et familles de condition modeste.
Dans les régions septentrionales du pays (Adamaoua, Nord et Extrême-Nord), les riches commerçants musulmans et polygames sont réputés maîtres de cette pratique matrimoniale en opérant leurs choix dès les premières années de vie de leurs "préférées" qu'ils n'hésitent pas à récupérer après l'apparition des seins.
"La fille mariée est souvent exposée à des risques graves sur le plan de la santé, comme les grossesses précoces, les infestions sexuellement transmissibles et de plus en plus le VIH-SIDA, les fausses couches, les accouchements difficiles et les fistules obstétricales", s'alarme pourtant la ministre Abena Ondoa, elle- même professeure de médecine.
Originaire de la région de l'Ouest, Christelle, jeune femme âgée de 28 ans aujourd'hui, fait part les larmes aux yeux d'une expérience douloureuse de viol à l'âge de 15 ans transformée contre son gré à un mariage avec son ex-répétiteur, étudiant de 24 ans en deuxième année en psychologie à l'Université de Yaoundé I au moment des faits.
Elève brillante, en classe de 1ère C, Christelle est devenue mère de trois enfants en un temps record, interdite de poursuivre ses études par son bourreau de mari qui, autre supplice pour la jeune femme, s'est aussi payé le loisir d'abuser sexuellement les trois bambins par des pénétrations anales diagnostiquées par des médecins.
Pour illustrer l'importance accordée aux problèmes des jeunes filles, les pouvoirs publics camerounais en collaboration avec l' Ong Plan Cameroon, initiatrice de cet événement, ont choisi de mettre en exergue à l'occasion de la première Journée internationale de la fille, des messages au contenu expressif tels que "Je préfère la scolarisation précoce au mariage précoce" ou encore "Fille éduquée, femme autonomisée, famille mieux gérée, nation développée !"
La sensibilisation, l'éducation et la formation sont les principales actions annoncées pour la campagne "Parce que je suis une fille" organisée jusqu'en 2016, avec le soutien, en sa qualité d'ambassadrice désignée par Plan Cameroon, du Pr. Rose Leke, brillante universitaire au parcours exemplaire, lauréate du Prix scientifique Kwame Nkrumah 2012 pour les femmes, décerné par l' Union africaine (UA).
Avec déjà, par les actions gouvernementales promouvoir et encourager l'éducation de la jeunesse dont particulièrement celle des filles, la gratuite de l'enseignement primaire, le Cameroun est sur la bonne voie pour le combat contre les abus et discriminations à l'égard des filles, revendique la ministre de la Promotion de la Femme et de la Famille.
Par exemple, vante-t-elle, "depuis plusieurs années, il y avait moins de 3% des filles parmi les effectifs de Polytechnique (Ecole nationale supérieure polytechnique, à Yaoundé, NDLR). Avec l' agrandissement, l'établissement compte aujourd'hui à peu près 13% des filles parmi ses effectifs".
Son argument : comme par exemple encore à la faculté de médecine de l'Université de Yaoundé I et à l'Ecole nationale des Travaux publics où elles ravissent les prix, "quand elles veulent vraiment travailler, (les filles) sont capables de beaucoup de choses".
Contre 18,4% chez les garçons de la même tranche d'âge (soit moins d'un garçon sur 5), le taux d'analphabétisme est de 27,6% chez les jeunes filles de 15-34 ans (soit plus d'une fille sur 4) au Cameroun, d'après les études qui précisent en outre que jusqu'à 64,5% d'entre elles n'exercent pas d'activité économique.
Pour les jeunes de la même tranche d'âge en général exerçant une activité économique, la proportion des filles percevant un salaire varie de 12,4% chez les filles à 26,7% chez les garçons.