Dans sa dernière lettre annuelle, Bill Gates explique qu'il est essentiel de bien mesurer les progrès réalisés en matière d'innovation et de santé à travers le monde. Ce postulat est logique: ce que l'on mesure et ce que l'on stimule influence le comportement de chacun. Cette approche a modifié le panorama des systèmes de santé et du bien-être dans le monde, parfois pour le meilleur et parfois pour le pire -- souvent les deux.
Pour Stefano Bertozzi de la Fondation Gates, les professionnels de la santé peuvent améliorer la stratégie de lutte contre le VIH et sauver des vies s'ils prennent en compte les bonnes données.
Dans sa dernière lettre annuelle, Bill Gates explique qu'il est essentiel de bien mesurer les progrès réalisés en matière d'innovation et de santé à travers le monde. [1]
Ce postulat est logique: ce que l'on mesure et ce que l'on stimule influence le comportement de chacun. Cette approche a modifié le panorama des systèmes de santé et du bien-être dans le monde, parfois pour le meilleur et parfois pour le pire -- souvent les deux.
A l'échelle mondiale, les Objectifs du millénaire pour le développement ont posé des objectifs ambitieux mais précis et mesurables vers lesquels les pays ont Suvré. A l'échelle d'un pays, le Rwanda a ainsi appliqué l'approche contractuelle, qui privilégie l'incitation à la performance dans les secteurs de la santé thérapeutique, maternelle et infantile et les services de VIH/SIDA.
Ces deux programmes sont une réussite et les dirigeants étudient les moyens de les reproduire.
Mais il est indubitable également qu'appliquer des stratégies de mesure et d'incitation des bonnes pratiques n'est pas toujours chose facile.
Au cours des dix dernières années, la stratégie mondiale de lutte contre le sida s'est concentrée sur l'élargissement de la couverture des services de prévention et de traitement. Les professionnels de la santé comptaient le nombre de tests de VIH administrés, le nombre de personnes entamant un traitement et le nombre de préservatifs distribués.
En y consacrant beaucoup d'efforts et de ressources, nous avons vu ces indicateurs grimper de façon spectaculaire, en particulier au cours de la décennie écoulée. Malheureusement, les indicateurs qui, finalement, comptent le plus : le nombre de personnes qui contractent le VIH et le nombre de personnes qui meurent de SIDA, n'ont pas suivi la même courbe d'améliorations historiques.
La raison en est la suivante : si la mesure de la quantité des interventions est importante, il faut également déterminer la nature des interventions -- et les approches par rapport à ces dernières qui créeront le plus grand impact à long terme.
Tester les mesures d'incitations
Ainsi, dans de nombreux pays,les centres de dépistage du VIH reçoivent souvent un financement sur la base du nombre de tests qu'ils effectuent chaque année. A première vue, cette approche devrait pouvoir offrir les mesures incitatives appropriées. Plus les tests sont nombreux, plus le nombre de personnes connaissant leur statut sérologique est grand, n'est-ce pas?
Mais ce scénario oublie que certaines personnes ont un taux de risque d'être testées positives plus élevé, même dans les pays où l'épidémie est généralisée au sein de la population. Par exemple, un centre pourrait être considéré comme très performant grâce au nombre élevé de tests qu'il administre alors que ce chiffre résulte du simple fait qu'il multiplie les tests auprès d'une population à faible risque.
A l'inverse, un centre qui cible les individus les plus susceptibles d'avoir été infectés depuis leur dernier test peut dépister un grand nombre de nouvelles infections, même si moins de personnes y subissent des tests.
Quel centre de dépistage fait plus d'efforts pour contenir l'épidémie? Des études ont montré que le dépistage du VIH et les conseils ont un impact limité sur les personnes non infectées. L'évaluation des services de santé à partir de la façon dont ils ciblent les personnes à risque est plus efficace -- à la fois pour amener les gens à suivre un traitement préventif et réduire le risque de transmission du VIH.
Tester et mettre en connexion
Il ne faut pas non plus oublier qu'il n'a pas été démontré que la simple notification aux patients de leur statut sérologique pouvait avoir un impact significatif Au lieu d'appliquer la stratégie 'conseil et test du VIH', nous devons plutôt encourager la stratégie « test et connexion du VIH ».
Pour ceux qui ont un résultat séropositif, cela signifie les connecter immédiatement aux soins. Pour ceux qui sont séronégatifs, cela signifie les connecter à des services de prévention appropriés. Sans ces connexions, les avantages du dépistage ne produisent aucun résultat.
De même, les objectifs globaux et les objectifs nationaux ont mis l'accent sur l'augmentation du nombre de séropositifs sous traitement. Lors de la Conférence internationale de 2012 sur le SIDA, l'ONUSIDA (le Programme commun des Nations unies sur le VIH/SIDA) a révélé que le nombre de personnes sous traitement dans le monde en développement avait dépassé les huit millions en 2011 et a réitéré son appel à cibler les sept autres millions de personnes qui devraient bénéficier d'un traitement mais qui n'y ont toujours pas accès.
Toutefois, le traitement aux antirétroviraux ne peut prévenir le développement de la maladie et la mort que lorsque les patients reçoivent les bons médicaments et respectent les traitements qui leur sont prescrits. Cela s'est avéré être un objectif difficile à atteindre dans de nombreux endroits. Certains centres de traitement connaissent des taux d'abandon annuels de plus d'un tiers de leurs patients, et d'autres centres ne parviennent pas à combattre le VIH chez plusieurs de leurs patients.
La vérité est dure à dire, mais avec huit millions de personnes sous traitement moins de vie sont sauvées.
Suivi de la santé des patients
Que devons-nous faire? Au lieu de nous contenter d'additionner le nombre de personnes qui commencent un traitement, nous devons évaluer les centres de traitement à partir du nombre de personnes qu'on a réussi à y retenir pour les soins et qui prennent régulièrement leurs médicaments. Une approche encore plus rigoureuse consisterait à vérifier si la reproduction du VIH a pu être stoppée chez chaque patient.
Ce sont des tâches difficiles, mais réalisables. Les centres peuvent compter et indiquer le nombre de patients qui restent en vie, et analyser les raisons pour lesquelles certains de leurs patients ne se soignent plus et ne sont plus joignables. La baisse du prix des tests de charge virale peut aider les centres à suivre l'évolution de la santé des patients et fournir aux cliniciens des informations précieuses sur la meilleure façon d'administrer un traitement.
Dans la mesure où de nouvelles mesures de performance sont mises en place, il est essentiel d'identifier celles qui offrent le meilleur rendement du capital investi - c'est-à-dire, qui génèrent les gains les plus importants en matière de santé au plus bas coût. Il s'agit d'un nouveau secteur d'intervention privilégié qui a été reconnu par certains instituts, comme l'Institute of Medicine des USA, dans sa récente évaluation du Plan d'urgence du Président pour la lutte contre le sida (PEPFAR). [2]
En mesurant les choses comme il se doit, nous pouvons mieux évaluer l'efficacité de notre réponse au VIH, susciter de meilleurs performances et au bout du compte sauver plus de vies.
Stefano Bertozzi est chef du service du VIH à la Fondation Bill & Melinda Gates, dont le siège est à Seattle, aux États-Unis. Une analyse originellement publiée sur Scidev.Net, le Réseau Sciences et Développement.
Références :
[1] Gates, B. Annual letter (Bill & Melinda Gates Foundation, January 2013
[2] Institute of Medicine Evaluation of PEPFAR (The National Academies Press, 2013)