En moyenne, un Africain boit 10 litres de bière commerciale par an contre 100 litres ou plus bu par l'Anglais moyen. A premier abord, il pourrait sembler que les Africains soient des petits joueurs en matière d alcool. Pourtant, ce n'est pas le cas.
Alcools traditionnels versus bières commerciales
Les Africains engloutissent d énormes quantités d alcools traditionnels frelatés (Vin de palme, Koutoukou, Tchapalo, Bangui, Sodabi etc.) fabriqués à partir de sorgho, de mil ou autres substances plus ou moins fermentées. Une enquête menée par SABMiller, producteur de bière anglo-sud-africain coté à la bourse de Londres, révèle qu en Afrique le marché de la bière locale est quatre fois plus grand que le marché formel, en termes de volume.
Les vétérans du secteur comme SABMiller se réfèrent maintenant à l'Afrique comme le scénario de croissance le plus important de la prochaine décennie. « En terme de piste immédiate de croissance, je ne pense pas qu'il y ait quelque chose qui batte l'Afrique », a déclaré Graham Mackay président exécutif de SABMiller.
Le marché de la bière en Afrique a augmenté de 7% en 2011 sachant que les Africains doivent travailler trois heures pour se permettre une bière contre 12 minutes pour leurs homologues européens. L'augmentation de la consommation est une aubaine pour les brasseurs, mais pourrait signifier de grands défis à long terme pour les décideurs politiques.
Les brasseurs font le pari que l émergente classe moyenne en Afrique voudront commercer en consommera plus. La bière maison peut être excellente, mais elle est très variable, peut être grumeleuse et manque d'un certain cachet.
SABMiller, qui opère dans 37 pays africains, tente de séduire les amateurs de bière maison avec des bières de sorgho et de manioc de bonne qualité. Elles sont légèrement plus douces et plus corsées que la bière blonde grand public, et coûte 30% moins cher ; ce qui reste malgré tout plus chère que les bières maisons. L Eagle de SABMiller, la première bière blonde de sorgho formelle, a été lancée en 2002. Brassée en Ouganda, elle constitue déjà l'une des bières les plus vendures d Afrique de l Est.
L Afrique, un eldorado pour les « big four » de la bière
La plupart des « Big Four » de la bière en Afrique (Castel de la France, SABMiller, Heineken et Diageo) sont présents depuis longtemps sur le continent. Leur présence remonte à plus de 100 ans pour certains.
Au cours des deux prochaines décennies, les sociétés de consommation prévoient que l'Afrique sera touchée par l effet positif du boom de sa population, au-dessus de la croissance moyenne du PIB et par les richesses générées par l'expansion rapide des industries minières et énergétiques.
« Tout cela fait de l'Afrique le carrefour idéal du moment », explique Siep Hiemstra, président pour l'Afrique et le Moyen-Orient chez Heineken.
En observant les statistiques brutes, il est facile de comprendre leur optimisme.
- D abord, une personne sur six dans le monde est un Africain.
- Ensuite, la croissance démographique du continent, à 2,4% dépasse de loin celle des autres marchés émergents comme l'Amérique latine et l'Asie, où les populations s accroissent d environ 1%.
- En outre, 12 des 25 économies du monde qualifiées de Marchés de Croissance rapide sont également sur le continent africain.
- Enfin, 75% du marché des boissons sur le continent est toujours dominé par les bières maison bon marché ou les spiritueux illicites.
Les entreprises de production de boissons estiment qu une bonne partie de ces consommateurs africains peuvent être converti en consommateurs de bière blonde et de spiritueux de fabrication industrielle du fait qu ils accroissent leur pouvoir leurs richesses. « Nous pensons qu'il n y a pas de doute que l'Afrique sera l'un des moteurs de la croissance du marché de la bière dans les prochaines décennies », a écrit l'analyste de Sanford C Bernstein dans une note de recherche.
SABMiller, le plus grand brasseur d'Afrique, détient actuellement toujours une longueur d avance, avec une part estimée à 40% du bénéfice de toute la région, y compris l'Afrique du Sud. Le groupe FTSE 100 détient également une participation 20% dans Castel France, qui occupe la deuxième place.
L an dernier, Heineken qui a renforcé sa présence sur le continent avec l'acquisition de deux brasseries de l Etat éthiopien, est le troisième plus grand joueur sur le continent, affirmant posséder environ 17% des revenus, selon de Sanford C Bernstein.
Diageo, numéro quatre, investit également des milliards de livres pour son expansion en Afrique à la demande de son directeur général, Paul Walsh, qui a pour ambition que la moitié du chiffre d'affaires du groupe proviennent des marchés émergents d'ici 2014.
Diageo est présent en Afrique à travers sa bière Guinness et ses spiritueux tels que Johnnie Walker et Smirnoff. Environ 70%de son entreprise africaine opère dans la bière, principalement au Nigeria et en Afrique de l Est.
« Nous avons investi environ 1,5 milliard de livres en expansion de la capacité et en acquisition de nouvelles affaires au cours des cinq dernières années en Afrique », a déclaré Nick Blazquez, le président de Diageo pour l'Afrique.
Bonne ou mauvaise nouvelle pour l Afrique ?
Mais attention, si cet attrait des « Big Four » de la bière pour l Afrique peut être intéressant sur le plan économique, certains analystes plus prudents posent la question suivante : le continent africain est-il prêt à gérer les méfaits de l'alcool sur sa population ?
La culture de l alcool en Afrique subsaharienne a d'abord été associée à des événements sociaux comme les mariages, les naissances, la circoncision, les funérailles, anniversaires et autres événements importants. L urbanisation plus répandue et la hausse des revenus ont entraîné un changement dans la consommation d alcool selon les revenus, le sexe et la classe.
Alors que certains en Afrique célèbrent la hausse des investissements des multinationales du secteur de l'alcool, il est essentiel que soient mises en place des politiques solides et applicables.
Les acteurs de l'industrie de l'alcool doivent aussi jouer un rôle de premier plan dans les efforts d'autorégulation par la sensibilisation, la protection des citoyens et l incitation à une consommation responsable et sûre de ces produits.
« Après tout, si tous les clients boivent à outrance, tombent malade, ne sont pas efficaces au travail, ou pire, meurent, le marché, malade, ne pourra pas profiter du prochain verre de cocktail si excellent. », prévient James Shikwati, directeur d IREN.