Les compagnies aériennes africaines ont du plomb dans l'aile : Défis.

Jusqu’à récemment, il n’était pas rare pour les passagers voyageant entre deux villes d’Afrique de devoir faire escale en Europe. De Côte d’Ivoire en Éthiopie, il était plus rapide et économique de transiter par Paris. La tendance persiste certes, mais à une échelle plus réduite.

Néanmoins, des bilans médiocres en matière de sécurité, imputables à des normes insuffisantes, une surveillance inexistante et des avions anciens et mal entretenus, continuent de nuire au développement de l’industrie de l’aviation. Selon l’Association du transport aérien international (IATA), les aéroports sont mal entretenus et proposent des services médiocres et chers. Les interférences politiques et la mauvaise gestion font obstacle au bon usage des ressources.

Selon une étude* menée par un consortium d’organisations dirigé par la Banque mondiale, les infrastructures « ne constituent pas un problème grave ». L’étude note que le nombre d’aéroports est adapté et que les pistes sont suffisantes pour absorber le trafic. Elle souligne que les progrès en matière de contrôle du trafic aérien demeurent très insuffisants.

La mauvaise qualité des infrastructures accroît les coûts d’exploitation déjà exorbitants. Selon l’IATA, les aéroports sont souvent monopolisés par des fournisseurs pratiquant des tarifs excessifs, auxquels viennent s’ajouter d’autres taxes gouvernementales. Le Sénégal a par exemple augmenté ses redevances d’atterrissage de 13 % en 2012, en plus d’une taxe de développement aéroportuaire d’environ 68 dollars par passager – la plus élevée d’Afrique. Les critiques affirment que certains pays d’Afrique font preuve de peu de transparence en matière d’utilisation des revenus aéroportuaires, et plusieurs autres pays imposent des taxes de développement pouvant atteindre 50 dollars par passager.

Exode des cerveaux et pénurie croissante de personnel

Les coûts d’exploitation des aéroports ne sont pas seuls en cause, les taxes sur les carburants étant aussi élevées que les redevances de décollage et d’atterrissage. Le prix du carburant en Afrique est supérieur de 21 % à la moyenne mondiale.

Le prix du billet d’avion au kilomètre est le plus cher au monde, la faute au niveau des taxes, mais également à l’absence de concurrence et aux volumes de trafic aérien relativement réduits sur de nombreux itinéraires.

À cause de leurs bilans sécuritaires médiocres, les compagnies africaines se voient souvent appliquer des tarifs de location plus élevés que d’autres transporteurs. Selon The Economist, la location d’un Boeing 737 fabriqué il y a cinq ans coûte environ 180 000 dollars par mois à une compagnie aérienne européenne, tandis que la facture peut atteindre 400 000 dollars pour un transporteur nigérian.

L’Afrique manque aussi de personnel qualifié. Ce qu’aggrave l’exode des pilotes et des techniciens qui rejoignent d’autres compagnies. L’Afrique aura besoin de 14 500 nouveaux pilotes et de 16 200 techniciens d’ici 2031.

« Les compagnies aériennes africaines doivent relever le niveau et accroître les enveloppes de rémunération pour retenir les pilotes, les ingénieurs, le personnel navigant et les équipes dirigeantes », affirme Mike Higgins, vice-président de l’IATA pour l’Afrique. Pour faire face, Ethiopian Airlines a augmenté le nombre d’admissions annuelles à l’Académie d’aviation éthiopienne d’Addis-Abeba de 200 à 1 000 élèves.

Malgré ces problèmes, l’industrie aéronautique africaine commence à décoller grâce au moteur de la croissance économique. « Le potentiel le plus élevé en matière d’aviation se trouve sur le continent africain », a indiqué Tony Tyler, directeur de l’IATA, aux participants de la réunion annuelle du groupe organisée l’an dernier dans la ville du Cap, en Afrique du Sud. Selon le rapport supervisé par la Banque mondiale, l’industrie de l’aviation emploie quelque 6,7 millions de personnes en Afrique et génère une activité économique de 67,8 milliards de dollars.

Classe moyenne en expansion

D’ici 2030, plus de la moitié de la population d’Afrique sera urbaine. Environ 700 millions de personnes rejoindront la classe moyenne au cours des décennies à venir. Cette expansion produira de nouveaux clients qui trouveront plus pratique et abordable de prendre l’avion plutôt que d’utiliser d’autres moyens de transport. Une concurrence accrue entre les compagnies à bas prix et une augmentation du trafic devraient également se traduire par une baisse du prix des billets.

Les compagnies aériennes établies enregistrent des bénéfices et ajoutent de nouvelles destinations à leur offre, avec Kenyan Airlines, Royal Air Maroc, South African Airlines, Ethiopian Airlines et EgyptAir en tête de peloton. Ethiopian Airlines, le transporteur à la croissance la plus rapide d’Afrique, dépasse systématiquement ses objectifs de profit. En août 2012, cette compagnie aérienne d’État gérée par une société privée est devenue le deuxième transporteur, après le Japon, à exploiter le Boeing 787 Dreamliner, l’un des avions de passagers les plus modernes du marché. La compagnie a pu acquérir dix nouveaux 787 grâce à une garantie de prêt d’un milliard de dollars concédée par l’Export-Import Bank, un organisme américain de crédit à l’exportation. 

L’Afrique du Sud, la première économie du continent, possède le réseau d’infrastructures de transport aérien et le marché de l’aviation les plus développés de la région. Les trois grands aéroports – Johannesburg, Le Cap et Durban – ont été modernisés avant la Coupe du monde de 2010, et la compagnie aérienne nationale South African Airways, la plus importante d’Afrique, propose des vols à destination de plus de 50 villes du continent.

Pour réaliser tout le potentiel du secteur, les gouvernements africains ont adopté une Politique africaine de l’aviation civile commune. L’objectif de cette initiative est d’établir un système de transport intégré reliant les aéroports à d’autres réseaux de transport afin de permettre un déplacement fluide des passagers et du fret et d’éviter les correspondances européennes entre deux villes du continent.  

La section Afrique du Département de l'information de l'ONU a pour mission de diffuser des informations et des analyses fiables relatives aux enjeux économiques du développement du continent africain. Site Web : http://www.un.org/africarenewal