Enfermés dans des clichés sociaux par leur environnement qui les pousse à la quête traumatique dans une révolte contre tout le corps social, les enfants issus des familles de migrants sont davantage fragilisés qu'ils sont défavorisés et précarisés d'abord par leurs propres pères et mères.
Les expressions spectaculaires du trop plein d'angoisse, d'ambivalence et de dissonance des enfants de la 2ème génération nous éblouissent au point de nous faire oublier les grands résilients que sont Rama YADE, RACHIDA DATTI (politique), Zinedine ZIDANE, Mamadou NIANG (sport), Oumar SY, Jamel DEBOUZE (7ème Art) et tant d'autres qui aujourd'hui font la différence dans tous les domaines y compris en sciences et techniques. Pour dire que les familles des migrants n'ont pas enfanté que des délinquants pour leurs pays d'accueil. Bien au contraire, les apports multiples de la migration enfantent le développement HUMAIN européen, fertilisant la germination du futur de l'humanité.
Les migrants africains vont à l assaut de l Occident dans un élan inconscient de fécondation de l humanité où l aventure individuelle se mue à un mélodrame familial nécessaire aux écorchures physiques et psychologiques des créateurs et leaders de demain. Nous savons tous que les héros ont besoins de leurs drames pour se révéler et que c est l humus de la terre pourrie qui alimente la beauté et l agréable odeur des fleurs.
Ainsi, premier paradoxe, c est l enfant resté « au Pays » qui a plus de chances de profiter des ressources de la migration. Il profite encore mieux si c est seulement le père qui a émigré sans la famille qui en compensation reçoit des transferts réguliers d argent et de gadgets. Cet enfant « au pays », otage des grands parents, symbolise l assurance retour et retraite du père. Ainsi il fait l objet de beaucoup d attention et d affection et surtout d un investissement éducatif de haute qualité rendu possible par les écarts de niveaux de vie et le taux de change. L enfant en terre d immigration est quant à lui soumis à la frustration de vivre la pauvreté sociale, affective et matérielle de la cellule familiale. Il vit dans un environnement socioéconomique réputé de consommation à outrance qui met en exergue les disettes du dedans à la lumière de l excès du dehors familial.
L enfant au pays d accueil partage le sort de ses parents déracinés, pas intégrés et ambivalents. Il est soumis à un projet éducatif familial rigide prônant des valeurs qui en elles-mêmes sonnent comme un refus d intégration dans la société. La volonté d assimilation de certaines sociétés d accueil exacerbe la fixation du migrant à des valeurs qui sont dès fois désuètes même dans son pays d origine mais qu il s attèlera à transmettre fidèlement à ses enfants. L enfant est alors prédisposé à des difficultés de socialisation et à une inadaptation multiforme. Chez-lui, on ne mange pas à table, on répugne le papier toilette, on regarde les« télés du pays » via satellite, on se délecte des vidéos de théâtre et de musique « de là-bas ». La famille conserve ses coutumes de convivialité, ses habitudes culinaires et alimentaires. Les investissements dans des projets immobiliers, agricoles, les dépenses de prestiges, au pays d origine grève le confort de l habitat, la qualité des soins de santé, l éducation et les loisirs considérés comme du gâchis ou un risque de déviances des normes sociales traditionnelles d origine(Les vacances d hiver, la montagne, la plage, les virées en boîte sont perçues comme les voies royales vers la déculturation et la débauche). Etant le plus souvent le seul lien avec l environnement social et culturel de la société d accueil, le rôle de courroie de transmission soumet l enfant de façon précoce à un stress d adulte. D où le dilemme qui se traduit parfois par une maturité prématurée, une créativité féconde ou des comportements délinquants et asociaux.
Il s opère comme une sorte de transfert de traumatisme des parents aux enfants. L incompatibilité des représentations culturelles et sociales entre l environnement et la cellule familiale se traduit aussi en famille par des conflits de générations entre parents et enfants qui ne partagent que quelques rarissimes centres d intérêt. Ce qui conduit progressivement à une sorte de dilution du lien social et parental. Le devoir de mémoire et de fidélité aux valeurs d origine s oppose à l obligation de s adapter (perçue comme un renoncement ou une scission) dans un environnement socioculturel nouveau mettant le migrant dans une position d ambivalence(résistance et coopération) qui évolue chez lui comme un trait de caractère. Cet état psychologique devient presque un gène qui imprime sa marque dans tous ses gestes au quotidien et transparait de manière plus lisible dans sa vie familiale et singulièrement dans ses relations avec ses enfants.
L arrivée de l épouse et la naissance des enfants modifient considérablement le projet migratoire du Père qui se sent dès fois pris au piège et culpabilise devant les pressions de la famille d origine qui se sent menacée d abandon. Le pionnier qui vivait au « FOYER » pour plus d économies, se voit obligé d occuper un appartement ou un pavillon plus adapté aux normes occidentales du regroupement familial. Les charges domestiques et l obligation de se conformer aux standards n autorisent plus certaines largesses extra-familiales qui ne sont possibles qu au grand détriment de l éducation et de l épanouissement des enfants qui peuvent faire prévaloir leurs droits en invitant des étrangers (travailleurs sociaux) au lavage du linge sale familial.
Dans tout projet d émigration, le retour, de préférence triomphal, y est inscrit comme finalité. Les expressions locales qualifient les pays occidentaux d accueil de « BROUSSE ». La brousse avec ses inconnus et ses dangers mais avec son gibier et ses fruits nécessaires à la vie et qu il faut ramener au village pour nourrir sa famille. Ce dénouement dont la projection justifie privation et renoncement de la part du migrant est la seule raison du départ vers l aventure. C est pour cette raison que le migrant se fera conservateur et acceptera son statut de résidant du « ghetto » où il imprimera ses marques culturelles et sociales. Dans la terminologie Chirakienne, on parlera volontiers et en toute vérité du bruit et des odeurs caractéristiques de ce monde entièrement à part et si incongru dans son environnement.
L émigré ne part pas s implanter mais plutôt chercher et rapatrier un mieux être qui ne s appréciera dans toute sa plénitude qu à son retour en famille d origine. Devoir s implanter dans le pays d accueil est un échec ; y nouer des relations sociales en est un indice. La naissance des enfants condamne le père non plus à la migration mais à la scission sociale et familiale, à l exil culturel &
Certains parents moins égoïstes ou plus hardis sacrifient volontiers leurs projets de départ et s adaptent en corrigeant leur notion de la FAMILLE. Ils pensent aux conditions d adaptation de leurs enfants en maintenant un lien souple avec le « Bled » ou tout simplement en recréant « LE PAYS » qui offre plus de possibilités aux enfants de s affranchir des clichés et de structurer les identités des futurs citoyens du monde.