Le classement des places boursières africaines révèle que la place boursière régionale des valeurs mobilières (BRVM) de l’UEMOA est la bourse africaine la plus performante en 2015 avec une progression de son indice composite de plus de 17,77% et une hausse de la capitalisation de son marché des actions de près de 18,67%. Selon le Directeur Général de la BRVM, la bourse régionale de l’UEMOA vise 600 millions d’euros de transactions en 2016. Peut-on pour autant parler d’une bourse émergente?
Ces bons résultats ont été rendus possibles grâce à de nombreux atouts dont dispose la première place financière régionale du monde. D’abord, elle profite de l’effet de synergie entre les économies des huit États de l’UEMOA en matière de financement des entreprises. C’est un marché dont le PIB réel est égal à 18 458,8 milliards de FCFA. Ensuite, la BRVM est encore un marché jeune qui a un fort potentiel de progression. De 1998 à 2016, le volume de la capitalisation a augmenté de plus de 88%. De plus, elle offre de meilleurs taux de rémunération plus attractifs que ceux offerts par d’autres placements. Ainsi, les taux offerts au niveau de l’emprunt obligataire varient entre 5% et 7,5%, alors que les taux de rémunération offerts par les banques sont inférieurs ou égaux à 3,5%. La bonne organisation du marché et l’existence d’un dépositaire central et d’une banque de règlement contribuent également à l’attractivité de la bourse régionale.
Toutefois, en dépit de ces nombreux atouts, la convergence de la BRVM vers un statut de bourse émergente est freinée par de nombreuses défaillances et limites. Premièrement, la BRVM continue d’être un marché très peu liquide, peu profond avec des coûts de transactions encore élevés.
En effet, le nombre de produits offerts par la BRVM est insuffisant. Il existe seulement deux produits financiers à savoir les obligations et les actions. Alors que sur les grandes places financières internationales, il existe une multitude de produits financiers. Nous pouvons citer, entre autres, les bons de souscription, les warrants, les options, les obligations convertibles, les certificats, les trackers, les OPCVM, etc. Il faut aussi souligner que la BRVM perçoit près de six commissions dont les valeurs varient entre 0,025% et 0,3%. En plus de ces commissions de la BRVM il faut ajouter les trois commissions perçues par le Dépositaire Central/Banque de Règlement. Ces commissions renchérissent le coût des transactions entrainant une réduction de la rentabilité. Cette situation explique en partie la faiblesse du dynamisme de la BRVM.
Deuxièmement, le volume des transactions et le nombre d’entreprises cotées sur cette place boursière sont faibles. Malgré ses 7500 milliards de FCFA de capitalisation, son volume de capitalisation reste largement inférieur à celui de la bourse de Nairobi qui est de plus de 12000 milliards de FCFA. En outre, c’est un marché dominé par deux entreprises. La capitalisation est portée par la Sonatel (2500 milliards de FCFA) et Ecobank Transnational Incorporated (805 milliards de FCFA). Ces deux entreprises totalisent près de 44% de la capitalisation de la BRVM. De surcroit, la BRVM a démarré ses activités avec 35 entreprises cotées, 18 ans après elle ne compte que 39 entreprises cotées.
En Côte d’Ivoire, sur les centaines de Sociétés anonymes inscrites à la chambre de commerce et d’industrie, seules 32 sont actuellement cotées à la BRVM. Ce faible nombre d’entreprises cotées sur la place boursière de l’UEMOA est la conséquence du retard dans la mise en œuvre du projet Pre-Listing Compartiment (PLC) qui devrait créer un compartiment destiné à accueillir les PME/PMI sur le marché boursier régional. Il faut noter que les PME représentent environ 80 à 90% des entreprises de l’espace UEMOA. Les procédures d’introduction en bourse, les coûts de transaction et le manque d’informations sur le marché financier constituent des obstacles à l’intégration des PME en bourse. Du reste, l’absence de cartographie des risques du marché financier n’est pas de nature à rassurer les épargnants.
Enfin, la situation politique des pays de la région est très instable. L’instabilité politique et économique des pays de l’UEMOA pourrait freiner le dynamisme actuel de la BRVM. En effet, l’instabilité politique entraine la fermeture de certaines entreprises, accroit l’incertitude et décourage les investisseurs. A titre d’illustration, nous pouvons citer les crises intervenues récemment en Côte d’Ivoire, au Burkina Faso et au Mali.
Face à toutes ces limites, certaines réformes s’avèrent indispensables. Il s’agit tout d’abord de favoriser le développement de la culture boursière au sein de l’union à travers la diffusion de l’information économique et financière sur le marché financier régional. Ensuite, la mise en œuvre effective du compartiment destiné à accueillir les PME/PMI sur le marché boursier régional et l’instauration de mesures fiscales incitatives pour les sociétés candidates à la cotation à travers une réduction ou une exonération d’impôts sont des mesures nécessaires pour accroitre le nombre d’entreprises cotées.
Par ailleurs, la prévention des risques, la mise en place d’un cadre juridique favorable à laprotection des épargnants, sont de nature à accroître la confiance des investisseurs. Ajoutons aussi que le renforcement de la coopération avec les autres places financières et les organisations internationales favoriseront la visibilité et le rayonnement international de la BRVM.
Somme toute, la BRVM est encore une petite place boursière au vu du volume des transactions mais elle est très dynamique. Cette place boursière de l’UEMOA a un potentiel avéré pour devenir la première bourse africaine des valeurs mobilières si ses dirigeants arrivent à transformer ses faiblesses actuelles en forces avec la mise en œuvre effective du plan stratégique 2014-2021. Au moment où les dirigeants africains sont à la recherche de la meilleure voie pour parvenir à l’intégration, la BRVM constitue un pas sur le chemin de l’intégration africaine dans son aspect financier qui mériterait d’être encouragée et reproduite dans le reste du continent.
KRAMO Germain, chercheur au CIRES – Côte d’Ivoire.