Northrop, Lockheed Martin, et autres équipementiers militaires considèrent les dépenses croissantes en Afrique du gouvernement des États-Unis, du secteur privé, et des Nations unies comme une opportunité.

Il y a cinq ans, l'Afrique importait peu à DynCorp International. La société de Falls Church (Virginie) se remplissait les poches en Afghanistan et en Irak, où elle a recruté, formé et fourni la police. Mais avec d'énormes nouveaux contrats au Libéria, au Soudan et en Somalie et beaucoup de potentiel d'affaires ailleurs sur le continent, l'intérêt de DynCorp pour l'Afrique grandit rapidement. En fait, l'Afrique est maintenant si importante que l'entreprise paye ce mois-ci  pour être le premier sponsor d'une conférence à Washington pour les entreprises du secteur de la défense axée sur la région.

Au cours des dernières années, le marché africain de DynCorp a augmenté à 150 millions de dollars par an, soit 7% du total de ses recettes, et elle cherche plus. La société est en train d'examiner des opportunités d'affaires « majeures », dit Will Imbrie, chef du développement des affaires à DynCorp. Elle fait une offre de prolongation d'un contrat en cours pour former les soldats de la paix au Soudan pour les États-Unis, et elle espère qu'il y ait une chance de construire des écoles et des hôpitaux sur le continent pour l'Agence américaine pour le développement international. Une autre possibilité pourrait être un contrat de travail avec l'armée de la République démocratique du Congo pour l'ONU. « L'Afrique s'inscrit vraiment dans la cible idéale de l'entreprise. », dit Imbrie.

DynCorp n'est pas la seule. Des sociétés telles que Triple Canopy, Northrop Grumman, PAE (une filiale de Lockheed Martin), et MPRI (une filiale de L-3 Communications) ont reçu au moins 1,1 milliards de dollars pour des programmes en Afrique depuis 2004  pour la plupart des contrats du Département d'État américain et du Pentagone pour former des soldats africains, une forte augmentation par rapport à 2003. Le continent ne représente toutefois qu'une petite part du marché mondial des entreprises américaines du secteur de la défense, qui représentait un total de 20 milliards à 316 milliards de dollars l'an dernier, selon l'entreprise et les services comptabilisés.

La croissance du marché africain

L'Afrique compte aujourd'hui  parmi les marchés en expansion les plus prometteurs de l'industrie de la Défense. Les entreprises américaines font actuellement des offres pour les contrats des USA et des Nations unies d'une valeur d'au moins 1,2 milliard de dollars sur les cinq prochaines années, et elles considèrent encore plus d'opportunités dans la sécurité des compagnies pétrolières, des équipementiers miniers, et d'autres sociétés occidentales opérant en Afrique. Il y a probablement plus que cela à disposition, disent les experts, mais les projections sont difficiles parce que de nombreux contrats du gouvernement ne sortent les fonds pour les entrepreneurs qu'après la fin du contrat, et les autres contrats ne sont pas connus. « Il y a un énorme développement des activités dans les pays d'Afrique », dit Frances Cook, consultante et ancienne ambassadrice des États-Unis au Cameroun et au Burundi, qui conseille les clients sur le travail en Afrique. Depuis 2005, les entrepreneurs ont aidé les États-Unis à former près de 80% des soldats de la paix africains et quelques 39000 soldats de 20 pays. « C'est beaucoup d'argent. », dit-elle.

Le plus grand prix connu, la poursuite d'un programme en cours de formation en maintien de la paix pour le Département d'État, sera attribué d'ici février prochain. Le contrat est d'une valeur pouvant atteindre le milliard de dollars sur cinq ans, et comporte des services supports tels que les communications, l'entretien et la construction, plutôt que les activités de sécurité effectuées en Irak par des sociétés comme Blackwater, qui a combattu avec les insurgés.

La hausse des dépenses depuis 2003, principalement par le gouvernement des États-Unis et au profit des sociétés privées domiciliées aux Etats-Unis, coïncide avec l'accentuation de l'importance stratégique du continent. La Maison Blanche voit maintenant l'Afrique comme un important champ de bataille pour stopper le terrorisme, garantir l'accès au pétrole, et lutter contre l'influence chinoise, disent les analystes. La nouvelle structure de surveillance du Pentagone pour le continent, The U.S. Africa Command (AFRICOM), a été officiellement lancée le 1er octobre dernier avec une demande de budget de 400 millions de dollars et un mandat qui reconnaît « l'importance stratégique émergente de l'Afrique », selon le site Web de la structure.

Des résultats controversés

De nombreux experts sont critiques à l'égard du travail des entrepreneurs en Afrique et du renforcement de la présence militaire des États-Unis. « Si vous regardez le rapport de ces programmes en termes d'apprentissage du respect des droits de l'homme, de professionnalisation des forces armées, et de préparation des armées africaines pour les opérations de maintien de la paix -  objectifs parfaitement louables - le résultat final des programmes n'y contribue pas beaucoup. », déclare Daniel Volman, qui dirige le projet African Security Research à Washington. « Ces programmes sont beaucoup plus susceptibles d'être utilisés à des fins non désirées initialement par le gouvernement des États-Unis: la contre-insurrection de guerre, la terrorisation des populations, la répression de la dissidence interne, etc. »
Volman et d'autres citent Executive Outcomes, la défunte organisation privée militaire sud-africaine, comme un exemple des dangers de la défense privée en Afrique. Les mercenaires d'Executive Outcomes ont combattu au nom de la répression des gouvernements d'Angola et de Sierra Leone lors de leurs guerres civiles du milieu des années 1990. Avant que ses activités soient arrêtées par le gouvernement sud-africain en 1998, la société avait également assuré la sécurité pour les compagnies d'exploitations minière et pétrolière en Afrique, travail qui se poursuit aujourd'hui par d'autres entrepreneurs.

Le secteur privé de la défense a, depuis, essayé de nettoyer son image. L'International Peace Operations Association, un groupe commercial qui parraine la conférence de ce mois, promeut la conduite éthique et est consultante pour les gouvernements, les organismes à but non lucratif, et autres. « Mais alors qu'il existe des mécanismes de contrôle permettant de prévenir la corruption et les abus de pouvoir », dit David Isenberg, analyste indépendant, « les gens qui sont censés les appliquer ne sont souvent pas là ».
Cette critique n'est pas de nature à dissuader l'industrie de la défense de poursuivre ses activités en Afrique. La plupart de ces entreprises n'ont pas d'activité de sécurité armée. Douglas Ebner, un porte-parole de DynCorp, réfute l'idée selon laquelle son entreprise serait une force de mercenaires, en notant que la plupart de leurs activités sont la formation et l'équipement de la police, le maintien de la paix, et l'aide à d'autres forces armées pour renforcer les objectifs des États-Unis et des Nations Unies. « Seulement 2% des ventes de la société », dit-il, « proviennent de la sécurité ». Lorsqu'on l'interroge sur Executive Outcomes, Ebner insiste, « Nous ne sommes pas eux »."

Analyste sur Nextafrique.com.

L. Trame a travaillé au sein de plusieurs banques d'investissements de la place de Paris. Ses centres d'intérêts sont l'économie, la finance de marché et les nouvelles technologies.