Une entreprise, petite, moyenne ou grande a besoin de financement pour survivre et se développer. En Afrique de l'Ouest, les entreprises rencontrent d'énormes difficultés pour se financer et ces difficultés pèsent indéniablement sur le développement économique de la sous-région.
La difficulté la plus courante est celle liée à l analyse du risque associé aux prêts. La plupart des entreprises (majoritairement des PME) n arrive pas à fournir les informations nécessaires à cette analyse décisive. La raison en est simple : elles ne disposent en général pas de livres comptables fiables. L accord de classement en vigueur dans l Union Economique et Monétaire Ouest-Africaine (UEMOA) impose des ratios de structure très contraignants pour les banques prêteuses. Certes, les entreprises jouissant d un accord de classement bénéficient d une facilité de financement auprès des banques de l UEMOA ( qui elles obtiennent une couverture en termes de réserves obligatoires) mais malheureusement très peu d entreprises arrivent à respecter les ratios de décision[i]. L'économie informelle étant prédominante, beaucoup d'entrepreneurs africains ignorent ou peinent à respecter les bonnes pratiques exigées par le système comptable uniformisé (SYSCOA). Il leur est difficile de produire des informations comptables et financières de qualité et par conséquent d obtenir des accords de classement.
Le manque de collatéral (l ensemble des actifs, titres ou liquidités, remis en garantie par le débiteur afin de couvrir le risque de crédit) de qualité comme des biens immobiliers de grande valeur constitue un autre blocage de taille. Car, pour se couvrir contre le risque de crédit, es institutions financières exigent des collatéraux de valeur et dont la monétisation est immédiate.
Une étude de la Banque Mondiale [ii] nous enseigne que 60% des banques africaines citent l environnement macroéconomique (dont le système fiscal) comme un facteur qui limite l émergence des financements accordés aux PME. Malgré ces contraintes, les grandes entreprises (minoritaires en Afrique de l Ouest ) se financent relativement bien contrairement aux PME alors que ces dernières sont cruciales pour accélérer le développement économique des pays africains[iii]. Les institutions de microfinance, pour autant qu elles respectent les bonnes pratiques de gouvernance[iv], ont là un vrai rôle à jouer. Ces institutions facilitent déjà l accès des entreprises au financement dans plusieurs pays. C est la cas du réseau ACEP au Cameroun, du Réseau des Caisses Associatives d Epargne et de Crédit des Entrepreneurs et Commerçants du Mali (CAECE-JIGISEME) ou encore du réseau PAMECAS au Sénégal avec son Centre d Entrepreneurs. En effet, les entreprises mêmes moyennes ont souvent besoin de montants importants, dépassant souvent 30 à 40 millions de FCFA. Compte tenu des contraintes bancaires existantes, la microfinance, si elle abandonne ses dogmes de micro-prêts peut être un excellent appui au financement des PME. Les résultats d une étude récemment menée indiquent que les financements accordés aux entreprises béninoises ne contribuent pas significativement à la croissance de ces dernières. Nos entreprises ont besoin de gros financements pour que leur efficacité se ressente tant au niveau microéconomique que macroéconomique. Finadev Group, une institution de microfinance béninoise, a ainsi décidé de réhausser le plafonds de ses prêts de 20 à 100 millions FCFA . C est une décision dont l impact est positif pour la croissance des entreprises débitrices car ces dernières ont moins de contraintes dans les possibilités de choix stratégiques qui s ouvrent à elles.
Des problèmes demeurent quant à la fiabilité du système juridique. Au Bénin, par exemple, quand il y a des impayés sur des prêts octroyés aux PME, les saisies traînent en longueur du fait des carences de la justice et du ministère des finances. Néanmoins, il est important de noter que des efforts sont faits pour juguler ces faiblesses. Le nouveau pacte commissoire en matière d hypothèque qui vient d y être mis en place est intéressant car il permet que les IMFs acceptent désormais des promesses d affectation d hypothèque en couverture des prêts qu elles octroient.Ce nouveau système a l avantage de réduire les coûts de crédit des PME tout en garantissant une certaine sécurité à l établaissement de crédit même s'il reste peu fiable du fait de la lenteur des réformes judiciaires et d urbanisation.
Par ailleurs, des dispositifs d appui au financement des entreprises tels que les fonds (FSA, GARI, FAGACE) qui donnent des garanties aux institutions financières pour mettre à la disposition des banques de développement des ressources longues (dans le temps), existent. Mais, leur impact sur l accès au financement est loin d être uniforme car leur existence profite surtout aux PME haut de gamme.
D'autre part, les entreprises africaines ne souffrent pas forcément d un manque de fonds propres. Souvent, les difficultés se concentrent au niveau de l expertise et de l injection de capitaux tiers (étrangers, dont ceux provenant de fonds d investissement). Ces derniers constituent en effet, une ressource très utile, dont est hélas privée, la très grande majorité des entrepreneurs africains. En effet, ils apportent une gouvernance additionnelle, une expertise managériale et font baisser le coût du financement. Ces fonds mettent également à la disposition des entreprises des ressources longues cruciales pour le développement à moyen terme des entreprises. Ces ressources longues manquent souvent cruellement. Dans l UEMOA, le refinancement des institutions financières en particulier des IMFs a une maturité maximale de 3 ans. Heureusement, comme nous l avons souligné dans un article paru sur Terangaweb, les fonds de capital investissement se développent en Afrique, même si le nombre d opérations qu ils réalisent reste encore modeste. En attendant l émergence de cette nouvelle industrie de financement, il est primordial de s'atteler à la création d un cadre institutionnel favorisant l'information de qualité sur les entreprises en particulier les PME, l accélération des réformes juridiques entamées et l assainissement progressif du cadre macroéconomique.
[i] L avis aux banques et établissements financiers N°4/AC/02 indique d une part que les états financiers audités des trois derniers exercices comptables et ceux des trois à venir sont essentiels pour toute demande d accord et d autre part que 4 ratios de décision sont utilisés (autonomie financière, capacité de remboursement, rentabilité et liquidité générale)
[ii] Maria Soledad Martinez Peria, Economiste à la banque mondiale, analyse publiée dans la revue ''Secteur privé et developpement'', N°1, Mai 2009, page 6
[iii] Quelles perspectives de financement pour les PME en Afrique? Admassu Tadesse, Mai 2009
[iv] Des cas d'école de mauvaises pratiques de financement sont malheureusement à noter en Afrique de l'Ouest. Au Bénin par exemple, il ressort des crises de deux grandes IMF que des crédits étaient mis en place sans aucun respect des critères décisifs, sur la base d'analyses fictives pour financer des réseaux de faussaires.