Les petites et moyennes entreprises (PME) sont de plus en plus reconnues comme ayant un rôle moteur dans la croissance économique et le développement des pays africains.
Dans le secteur privé ivoirien, par exemple, la Banque mondiale estimait en 2010 à environ 18% la contribution des PME/PMI au produit intérieur brut (PIB) de la Côte d Ivoire, où elles génèrent quelque 23% des emplois formels.
Au Ghana, les PME représenteraient 70% du PIB et 92% de ses activités.
Non seulement les PME contribuent de manière significative à l'économie, mais elles sont également les pilotes de la diversification économique par le développement de nouveaux secteurs. En outre, les PME innovantes et axées sur la technologie peuvent fournir une plateforme intéressante pour une expansion hors des frontières nationales, et pénétrer les marchés régionaux et internationaux.
Compte tenu de l'émergence croissante des PME en Afrique subsaharienne et du fort potentiel qu'elles détiennent, il est important de comprendre quel type de soutien est proposé aux PME pour leur développement, leurs réussites et leurs défis sur l'ensemble du continent africain.
Une forte croissance malgré des perspectives limitées
L Afrique subsaharienne connaît une augmentation notable de ses PME. Une enquête du « Globat Entrepreneursip Monitor » (GEM), qui étudie les relations complexes entre l'entrepreneuriat et la croissance économique, le confirme.
Les données du GEM disponibles pour l'Afrique du Sud, l'Ouganda, l'Angola, le Ghana et la Zambie montrent que, comparées à celles du reste du monde, le nombre de PME établies dans ces pays est relativement élevé.
Comme l'illustre le graphique ci-dessous, le Ghana et l Ouganda comptent respectivement 35,5% et 27,7% de PME établies, des taux nettement plus élevés que ceux de la France, des Etats-Unis ou du Royaume-Uni (inférieurs à 10%).
Mais, les données montrent également que malgré l existence d un grand nombre de PME dans les pays africains, les perspectives de croissance des startups restent faibles.
Le graphique suivant affiche qu en 2010, plus de 80% des répondants de la Zambie, le Ghana et l'Ouganda ont déclaré qu'ils n emploieraient pas plus de cinq personnes au cours des cinq prochaines années. En France, au Royaume-Uni et aux Etats-Unis, les perspectives sont bien plus élevées.
Comment expliquer ce phénomène ? Quels sont les défis de croissance que rencontrent les PME d Afrique subsaharienne ?
Des défis de croissance majeurs pour les PME africaines
S il y a indéniablement un nombre croissant de PME sur le continent, l'environnement dans lequel elles sont créées et se développent varie considérablement.
La politique des gouvernements en faveur des PME est un facteur important à prendre en considération lorsque l'on examine les possibilités de croissance des PME. Dans certains pays, le gouvernement crée de nombreux obstacles au développement des PME sous la forme d'une réglementation excessive et de paperasserie à n en plus finir.
Le Tchad, pays d'Afrique sub-saharienne où il est le plus difficile de faire des affaires selon le rapport Doing Business de la Banque Mondiale, constitue un exemple intéressant. Avec un taux d'imposition de 65% et des règles d'insolvabilité particulièrement difficiles qui exigent 60% de la valeur foncière et de longs délais de traitement, il est difficile pour les PME du Tchad de gérer leurs activités et de faire des profits. De même, l'Érythrée se classe 43e en Afrique en raison de l'absence de délivrance de permis de construire au secteur privé et de la difficulté d'accès aux crédits. Les longues procédures, les retards et les temps d'attente font que 66 jours sont nécessaires pour créer une entreprise au Tchad. Ce nombre passe à 160 au Congo-Brazzaville.
En outre, il est extrêmement coûteux d exploiter une entreprise une fois qu'elle a été mise en place en raison de l'insuffisance des infrastructures. Au Nigeria, ce sont les problèmes de corruption, les coupures électriques, et l'insuffisance des infrastructures qui handicapent le pays classé seulement 133e mondial pour le climat des affaires, en dépit de la politique du gouvernement qui vise à encourager l'esprit d'entreprise. En 1999, le gouvernement fédéral nigérian a mis en place un régime de participation au capital des petites et moyennes entreprises (SMEEIS) pour encourager la productivité des PME mais cette initiative n a pas donné les résultats escomptés en raison d une mauvaise application.
Cependant, alors que des pays comme le Tchad, le Congo, le Nigeria et l'Érythrée souffrent des barrières réglementaires et institutionnelles qui ralentissent la croissance et le développement des PME, d'autres pays comme l'île Maurice, l'Afrique du Sud, le Botswana, le Ghana, le Rwanda et la Tanzanie ont apporté d'importantes améliorations pour alléger le coût des affaires dans leurs pays. Le continent est donc clairement le théâtre d'un système mixte.
Certaines réussissent malgré les contraintes
Malgré les difficultés évoquées, quelques réussites illustrent le potentiel des PME en Afrique. La marque nigériane de vêtements, Ruff n Tumble, a commencé ses activités dans un petit local d'arrière plan. La compagnie a depuis crû de manière impressionnante devenant l'une des plus grandes marques de vêtements africains, en répondant à la demande d'une classe moyenne africaine en pleine croissance en quête des vêtements africains de qualité.
Dans le même temps, le manque de soutien aux entreprises de la part gouvernement a engendré une prolifération des hubs technologiques répartis sur l'ensemble du continent du Kenya au Cameroun. Ce phénomène a d ailleurs fait l objet d un article de la BBC. Actuellement, plus de 50 centres de ce type opèrent sur le continent, reliant les entrepreneurs aux investisseurs et leur fournissant un espace dans lequel ils peuvent opérer et suivre une formation. Même si certaines d'entre elles bénéficient d'un soutien gouvernemental, tous ont été lancés indépendamment des initiatives étatiques.
Ainsi, les entrepreneurs créent de nouvelles opportunités en dépit des environnements réglementaires difficiles et arrivent à aller au-delà des contraintes locales.
Le rôle des banques et organismes de crédit
L autre problème majeur pour le développement des PME demeure l'accès au crédit pour les entrepreneurs. Pour illustrer ce point, la Banque africaine de développement (BAD) a récemment rapporté que seulement 20% des PME africaines ont eu accès au crédit et qu il n y a que 9% des investissements des PME qui sont financés par une banque.
Cette situation contraste fortement avec l Amérique latine et les Caraïbes, où 44% des PME ont accès au crédit et avec l'Europe où 23% des investissements des PME sont financés par des prêts bancaires.
Le manque d'accès au crédit constitue un lourd fardeau sur les entrepreneurs désireux de lever des capitaux importants pour le développement des entreprises elles-mêmes. Améliorer l'accès au crédit est donc crucial si les PME doivent atteindre leur plein potentiel et permettre aux entreprises de passer du stade de startups à celui d entreprises établies à fort potentiel de croissance.
Le crédit est également essentiel pour la création d'un esprit d'entreprise, car il permet aux entreprises qui échouent de rebondir plutôt que de simplement échouer. En effet, une récente étude d'Ernst & Young sur l'entrepreneuriat a constaté que la plupart des répondants étaient des « serial entrepreneurs », autrement dit, ils ont lancé une ou deux autres entreprises avant d'atteindre le succès.
Ce qui prouve qu il est courant pour un certain nombre de startups et de petites entreprises de se retrouver en situation d 'échec et qu il est nécessaire de créer un climat qui permette à un entrepreneur d'apprendre de cet échec et de prendre un nouveau départ et l'échec. C'est dans un tel contexte que l'innovation et le succès peut plus prospérer.
Le rapport de la BAD a par ailleurs constaté qu'un certain nombre de banques en Afrique de l'Est comptabilisent un nombre important de clients de type PME et que toutes les banques du Kenya et de la Zambie ont créé des services destinés aux PME. Mais, pour accorder des prêts aux PME, les banques favorisent les clients de longue date et insistent sur une politique de « premier dépôt ». Il est donc difficile pour les gérants de PME qui n'ont pas d'antécédents de crédit et manquent de capital significatif d accéder au crédit.
Les banques devraient donc continuer à soutenir le développement des PME en créant de meilleures facilités de crédit destiné aux clients à faible revenu.
Si ces éléments sont améliorés, les innovations des PME et startuos africaines peuvent être motrices pour les économies locales, apportant des opportunités importantes de croissance et créant de l emploi.