En Côte d'Ivoire, l'industrie du coton connaît un nouvel essor après avoir été paralysée par une décennie de chaos politique et de conflit. Les fermiers des régions du nord productrices de coton, où régnait la loi des insurgés, sont optimistes quant au retour de la stabilité économique.
Avant la crise de 2002, la Côte d'Ivoire était l'un des principaux producteurs de coton d'Afrique de l'Ouest, avec une production de 400 000 tonnes par an. Selon le Centre national de recherche agronomique (CNRA), jusqu'à 50 pour cent des terres cultivées dans le nord et dans quelques parties des régions du centre étaient réservées à la culture du coton. Près de trois millions de personnes dépendent directement ou indirectement de la filière du coton dans la région.
Pendant la crise, la production est tombée à 120 000 tonnes par an et seuls 18 000 fermiers cultivaient du coton, contre 35 000 avant.
« Personne ne voulait plus cultiver de coton. Beaucoup de fermiers ont choisi d'autres activités jugées plus rentables comme la production de beurre de karité ou de noix de cajou et l'élevage », a déclaré Bertin Kouakou Kouamé, un ingénieur agronome du département de Boundiali dans le nord de la Côte d'Ivoire.
« Mais depuis la fin de la crise, nous avons constaté que les gens recommençaient doucement à cultiver du coton. Nous espérons maintenant que les autorités vont s'y intéresser davantage, surtout depuis que les prix augmentent. Cultiver du coton est une activité très difficile. Cela requiert énormément de main-d'ouvre », a déclaré à IRIN M. Kouamé.
Depuis la campagne 2011-2012, le gouvernement a établi les prix, fixant le prix du coton de premier choix à 265 francs CFA (50 cents) par kilo et à 240 francs CFA (48 cents) pour le coton de second choix.
« Le prix du coton est parfois tombé à 150 francs CFA le kilo. Cela nous démoralisait vraiment puisque nous dépendons de la culture du coton pour nourrir notre famille. Par conséquent, peu d'entre nous ont continué à en produire. Nous voulons aujourd'hui que cette reprise [de la production] bénéficie aux fermiers pour qu'ils puissent oublier le cauchemar qu'ils ont vécu », a affirmé Kanigui Coulibaly, un producteur de coton de la localité de Dikodougou dans le nord du pays.
Dans les années 1990, M. Coulibaly faisait partie des principaux producteurs de coton du nord de la Côte d'Ivoire et gagnait près de huit millions de francs CFA (16 000 dollars) pour une production annuelle de 40 tonnes. « À cause de la guerre, tout s'est écroulé autour de moi avec la chute du prix du coton. Mes cousins et nièces ont décidé de partir s'installer dans le sud du pays pour commencer une autre activité », a-t-il dit à IRIN.
« Les choses se sont améliorées »
« J'ai abandonné la production de coton, car la crise a causé notre malheur. Je ne pouvais pas payer les frais de scolarité de mes quatre enfants. Mais les choses se sont améliorées et j'ai recommencé la production l'année dernière. Même si je ne peux pas effacer tout le temps que mes enfants ont perdu, je peux les aider sur d'autres aspects », a déclaré Lambert Gohi Bi, un fermier de la région centrale du sud de la Côte d'Ivoire.
M. Bi a déclaré qu'il avait gagné environ 400 000 francs CFA (800 dollars) pendant la campagne 2011-2012 avec une récolte de 1,5 tonne de coton, et qu'il espérait gagner le double lors de la prochaine campagne.
La Compagnie ivoirienne pour le développement des textiles (CIDT), chargée de la filière du coton dans certaines parties des régions du centre, prévoit que la récolte de la campagne 2012-2013 sera de 35 000 tonnes, contre 15 000 tonnes précédemment. La Compagnie ivoirienne de coton (COIC), chargée de la production dans certaines parties de la région du nord, a déclaré que 115 000 hectares avaient servi à la culture du coton et que la production était estimée à 120 000 tonnes pour la campagne actuelle.
« La dernière campagne a rapporté 13,5 milliards de francs CFA (27,2 millions de dollars) aux fermiers. Les producteurs devraient gagner plus sur les ventes de la campagne actuelle. C'est la preuve que la production de coton est doucement en train de redémarrer », a déclaré le directeur de la COIC, Adama Silué.
Le gouvernement a injecté plus de sept milliards de francs CFA (14,1 millions de dollars) de subventions pour l'industrie du coton, ce qui a fait baisser le prix de l'engrais de 25 pour cent.
« Même si cela n'est peut-être pas suffisant, c'est une aide énorme pour les producteurs. Aujourd'hui, le gouvernement devrait encourager le respect des normes phytosanitaires pour que la filière du coton puisse décoller pour de bon », a déclaré le fermier M. Coulibaly.