Qu'ont économiquement en commun le Botswana et la RD-Congo ? Bien que différents sous plusieurs aspects, les deux pays partagent au moins une particularité : dans chacun d'eux, les revenus générés par une ou plusieurs ressources naturelles conditionnent le bien-être des habitants.
Dans le cas du Botswana, les revenus du diamant représentent en moyenne (2000 2008) à peu près 40 % du PIB. Mais, l usage que cet État fait de sa rente diamantifère est à l opposé de ce qu en fait la RDC et d autres États africains rentiers.
Pourtant, à son accession à l'indépendance (1966), cepetit État enclavé de 2 millions d habitants était classé parmi les 25 pays les moins avancés du monde. Vingt-cinq ans plus tard, le voilà propulsé parmi les pays à revenu moyen. Au cours de la dernière décennie, son revenu par habitant est passé de 3 180 $US à 6 890 $US !
Cette prodigieuse ascension s explique par une croissance du PIB réel de 11% par an en moyenne (1966 1993) alors que la pression démographique gravitait autour de 3,2%, soit une croissance du PIB réel par habitant d environ 8%. Traduit en termes d indicateurs, le progrès social induit est éloquent (2009) : 96,5% de la population ont accès à l eau potable, un ratio dépenses de santé par habitant de 600$/ha, plus de 95% des habitants ont accès à un centre de santé dans un rayon de 8 kilomètres de leur domicile, frais de scolarité gratuits au primaire et financé à 95 % au secondaire etc.
Ces résultats sont essentiellement attribuables à l édification d institutions pro-croissance (État de droit, liberté économique), d une gouvernance édifiante dans la gestion des ressources et des politiques macroéconomiques responsables.
La combinaison de ces facteurs a généré, du côté de l offre, une épargne interne[1] émanant principalement de la rente diamantifère. Moyennant cette épargne, l État a pu créer un potentiel de capital humain en finançant les investissements dans la santé, l éducation et les infrastructures, évitant ainsi de sombrer dans « la malédiction des ressources » ce mal qui ronge plusieurs pays rentiers, avec un PIB réel en hausse mais un IDH à la traîne. La RD-Congo par exemple a réalisé un taux de croissance moyen du PIB réel de 5,4% (2006-2010) mais se retrouve dernier avec un IDH de 0,286 en 2011, loin derrière le Botswana (0,633) dont la croissance a été modérée (3,3%) sur la même période.
Pour assurer sa transition vers une économie émergente d ici 2016, le Botswana s attèle à rompre le lien ombilical qui relie son économie à l industrie diamantifère hautement intensive en capital mais n ayant que très peu d effets d entrainement avec les autres secteurs. Pour relever ce défi, le gouvernement a entamé depuis quelques années une stratégie permettant un processus de diversification de la structure productive et de la spécialisation.
L objectif est de profiter des effets d entrainement positifs générés par les investissements publics et privés en opérant le transfert du travail des activités d extraction des diamants vers celles de type capitalistique à forte valeur ajoutée (TIC, manufacture, finition des diamants) et donc à salaires élevés.Une amélioration des revenus induit une hausse de consommation qui, à son tour, consolide l assiette fiscale et donc les dépenses publiques. Si celles-ci sont affectées à des services publics contribuant à améliorer la productivité des facteurs, cela inciterait de nombreux investisseurs privés à orienter leurs ressources dans les activités productives dynamiques. Le processus cumulatif reposerait alors sur des bases structurelles solides.
L État s est intéressé aussi à renforcer les incitations à l amélioration du climat des affaires et à assouplir la rigidité des marchés (voir tableau). On a, dès lors, pu observer un changement structurel progressif : une diminution relative du secteur primaire (25,9% du PIB en 2009 contre 38% en 2005) au profit du secteur tertiaire (26% contre 20,8%) et, quoique timidement, des industries manufacturières (4% contre 3,5%).
Cette dynamique peut-elle engendrer les effets d économies d échelle susceptibles de soutenir durablement la croissance dans un marché aussi exiguë ? Vraisemblablement oui, par l ouverture extérieure et par la viabilité compétitive des produits tradables dont les pièces automobiles, les prothèses auditives utilisant l énergie solaires etc.
Attestée par un ratioexportations/PIB de 75,6% (2004), l ouverture est renforcée par l appartenance à un vaste marché régional (SADC et SACU) dont fait également partie l Afrique du Sud avec ses 50 millions d habitants.
En revanche, ayant perdu 4 points au classement 2011-2012 du Global competitiveness Index, le Botswana éprouve quelques difficultés à demeurer compétitif. La principale raison en est quela diversification vise, entre autres, à accroître les retombées de la production des diamants en assurant l essor des activités de transformation allant du tri à la taille & polissage, jusqu à la fabrication et à l exportation des bijoux. Quoique 3000 emplois aient été créés par ces activités, la concurrence face à la Chine, Taiwan etc. qui jouissent déjà de rendements d échelle, constitue un réel obstacle que seule l habileté dans la manipulation d un régime de change compétitif associé à une hausse de productivité dans les secteurs dynamiques peut lever. Tout un défi.
Quoi qu il en soit, le modèle de développement de l État botswanais a été centré sur la maximisation de l efficience économique de la rente issue des ressources naturelles pour briser le cercle vicieux du sous-développement en finançant ses propres investissements et ses dépenses sociales, tout en évitant de tomber dans le piège de la dette. La transition vers l émergence passe par l accumulation du capital générée par les entrepreneurs dynamiques; le réinvestissement des profits devenant la principale source de financement de l investissement.
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Par Remy K. Katshingu, Professeur d économie au Collège de Saint-Jérôme, Canada
[1] Epargne intérieure au Botswana : 43,7 % du PIB (1997-2002) et 44,23% (2003-2008) ; en RDC : 15,5% et 8,56%.