Combien de personnes en Afrique disposent de comptes bancaires et pour quoi les utilisent-ils ? On pourrait penser qu'il y a des réponses évidentes à ces questions, étant donné que la banque est la quintessence de l'entreprise mondiale, et qu elle est importante non seulement dans les pays occidentaux mais aussi dans les pays africains, où elle peut aider les plus pauvres à épargner, à emprunter et à investir.

 

 

Pourtant, jusqu'à présent, les données sur la portée mondiale des institutions financières ont été limitées. Le FMI publie une enquête sur l accès aux services financiers des épargnants et des emprunteurs. Mais on y trouve peu d information sur combien les gens épargnent ou pourquoi ils empruntent. Notamment, les pratiques bancaires des personnes pauvres en Afrique, des femmes et des jeunes sont très mal connues. Aussi, l année dernière un grand trou de données a fait surface dans le rapport de la Fondation Gates avec la Banque mondiale et Gallup World Poll, lorsque ces institutions ont effectué la plus grande enquête sur la façon dont les gens épargnent, empruntent, effectuent des paiements et gèrent les risques. Les résultats viennent de paraître.

Les Africains sont différents

Dans le monde, environ la moitié des adultes ont un compte bancaire individuel ou collectif, selon la nouvelle base de données Global Findex. Comme on pouvait s'y attendre, il y a une grande différence entre l'activité bancaire dans les pays occidentaux (où 89% des adultes ont des comptes) et dans les pays dits en développement (41%). La différence est encore plus large quand on s intéresse aux cartes de crédit; où l on constate que la moitié des adultes en détiennent dans l Occident contre seulement 7% dans les pays en développement.

Au sein des pays, les taux de bancarisation sont proportionnels aux revenus et aux niveaux d'éducation. En Afrique, 55% des personnes ayant suivi un enseignement supérieur ont des comptes bancaires. Mais seulement un peu plus de 10% de ceux qui se sont arrêtés à un enseignement primaire en ont.

On note également un écart important des taux de bancarisation selon les sexes. Dans les pays en développement, 46% des hommes adultes disent avoir un compte, contre seulement 37% des femmes. On retrouve les écarts les plus notoires de la disparité entre les sexes en Afrique du Nord. Ils sont un peu moins élevés dans le reste de l'Afrique, où la pénétration bancaire dans son ensemble est faible : 27% des hommes ont des comptes et 22% des femmes en ont.

Les gens n'utilisent que très peu les banques pour épargner.

La plus grande surprise se situe au niveau de la façon dont les gens usent des banques et autres institutions financières. On pourrait s'attendre à ce qu en dehors des pays occidentaux, les banques (qui ont tendance à être relativement coûteuses) seraient utilisées essentiellement pour les affaires. Pas du tout. La grande majorité des gens dans les pays en développement (88%) affirment qu'ils ont recours aux banques uniquement pour leur usage personnel.

En Afrique, la raison la plus fréquente pour détenir un compte bancaire est le besoin de prêt, par exemple, pour régler pour les urgences financières familiales (généralement une personne qui tombe malade). Le deuxième besoin évoqué sont les frais de scolarité, les maisons et les dépenses ponctuelles pour un mariage ou des funérailles. En Afrique, 38% de ceux qui ont des comptes bancaires disent les utiliser pour recevoir des envois de fonds des membres de la famille à l'étranger. En comparaison, dans les pays occidentaux, une des raisons particulièrement importante pour avoir un compte est de recevoir les allocations gouvernementales, les salaires ou les avantages.

Ironiquement, les banques ne semblent pas être si utilisées que cela pour ce qui semble être un objectif fondamental : économiser de l'argent. Plus d'un tiers (36%) des adultes ont déclaré qu'ils avaient économisé un peu d'argent l'an dernier. Mais seulement un cinquième (22%) ont déclaré avoir utilisé une banque ou autre institution financière formelle pour le faire. 29% auraient épargné, mais pas auprès d une banque (sans doute, ont-ils mis de l'argent sous le matelas ou utilisé de l argent pour acheter des bijoux). Une forme populaire de l'épargne dans l'Afrique était les clubs d'épargne, communément appelés les tontines. Un groupe de personnes se rassemblent pour déposer leurs sous régulièrement et chaque mois le groupe paie l'intégralité du pot à chaque membre à tour de rôle.

Les gens n utilisent que très peu les banques pour épargner. C est ce qui semble être le point fondamental qui se dégage de l étude. L'étendue de services bancaires à travers le monde est beaucoup plus inégale et moins prévisible que ce à quoi l'on pouvait s'attendre. Bien sûr, l'utilisation des banques tend à augmenter avec les revenus au niveau mondial et dans les pays. Mais le revenu ne semble pas être le seul facteur déterminant.

Au final, qu'est-ce qui impacte les taux de bancarisations en Afrique ?

Le Ghana et le Bénin sont presque voisins en Afrique de l Ouest et ont des niveaux similaires de revenus. Pourtant, le taux de bancarisation des adultes est  trois fois plus élevé au Ghana qu au Bénin.

Autre exemple : le Nigéria et Cameroun sont voisins et ont à peu près le même niveau de services bancaires parmi leurs populations les plus pauvres (17% du quintile le plus bas dans chaque pays ont des comptes bancaires). Pourtant, les Nigérians riches sont presque trois fois plus susceptibles que les Camerounais riches d'avoir des comptes.

La morale est que d'autres éléments que les revenus comptent.

La politique fait une différence : les gouvernements africains facilent-ils l installation et l accessibilité des banques ?

Les banques elles-mêmes font une différence : après le manque d'argent, l'une des raisons les plus courantes que les gens donnent pour ne pas avoir un compte est la paperasserie.

Les téléphones mobiles aussi font une énorme différence : au Kenya, un énorme 68% des adultes disent avoir utilisé un téléphone portable pour envoyer ou recevoir de l'argent au cours des 12 derniers mois. Plus de la moitié d'entre eux ont des comptes bancaires.

 

Analyste sur Nextafrique.com.

L. Trame a travaillé au sein de plusieurs banques d'investissements de la place de Paris. Ses centres d'intérêts sont l'économie, la finance de marché et les nouvelles technologies.