Au Bénin, les systèmes de santé passent au biométrique !

Le système d'identification mis au point par l'ONG VaxTrac utilise les empreintes digitales de la mère et de l'enfant pour accéder à l'historique de vaccination de l'enfant et aider les travailleurs du secteur de la santé à déterminer quels vaccins doivent être administrés à leurs patients.

Mais l'une des applications concrètes du système VaxTrac est de contribuer à surmonter une cause majeure de l'inefficacité du système d'administration des vaccins dans les pays en développement : l'absence de données, cause de gaspillages de ressources dans le secteur de la santé.

Mark Thomas, le directeur exécutif de l'ONG, a confié à SciDev.Net que "le système rend possible la rationalisation de la gestion des données, ce qui permet aux travailleurs du secteur de la santé de consacrer plus de temps à la provision de soins de santé et à l'interaction avec les patients."

Un carnet de vaccination électronique

Les systèmes manuels de collecte de données relatives aux patients occupent en effet un temps de travail considérable des agents de santé, qui pourrait être consacré à prodiguer des soins aux patients et à leur assurer un meilleur suivi.

VaxTrac a été aussi conçu pour envoyer des SMS aux mères et aux agents de santé, leur rappelant la date de la prochaine vaccination.

"Avec les données générées par le système, les responsables du secteur de la santé peuvent assurer une meilleure gestion des programmes de vaccination, sur la base d'informations disponibles sur une base de données en ligne", précise Mark Thomas.

Selon les responsables de l'ONG, l'introduction de VaxTrac au Bénin a permis la mise en place d'une meilleure approche dans la gestion de la vaccination de routine et des stocks de vaccins.

Fidèle Marc Hounnouvi, coordinateur régional de VaxTrac pour l'Afrique, basé à Cotonou, explique ainsi à SciDev.Net que "le taux de fréquentation de certains centres s’est considérablement accru", preuve d'une meilleure adhésion des patients aux techniques de suivi mises en place.

Grâce à la technologie biométrique mobile, présentée comme un facteur de motivation pour les mères, l'ONG aide à la rationalisation de la politique nationale en matière de vaccination, dans deux zones sanitaires sur les trente-quatre que compte le pays.

Au total, 61 formations sanitaires dans six communes du Bénin (Allada, Zè, Toffo, Porto-Novo, Sèmè et Aguégué) bénéficient déjà de cette technologie.

Selon le coordonnateur, en 2014, à l’issue de la phase pilote, des données fiables devraient être disponibles pour mieux évaluer l’impact de leurs actions.

En cas de succès, VaxTrac envisage d'étendre ses activités à l'ensemble du territoire béninois. Des contacts ont également noués avec d'autres pays africains, notamment la Mauritanie et le Togo. Mais selon Mark Thomas, si l'ONG envisage d'étendre ses activités à d'autres pays, un minimum de conditions devraient être réunies.

"Nous cherchons activement à lancer de nouveaux projets, mais nous voulons nous assurer que nous opérons dans un environnement propice au développement de nos activités. Cela suppose un fort soutien du ministère de la Santé et d'une agence partenaire (telle que l'Unicef ou l'OMS)", explique Mark Thomas.

Mais pour y arriver, d’énormes défis restent à relever. L'un des plus pressants reste d'assurer une fiabilité à toute épreuve de certaines fonctionnalités du système. Dans sa phase initiale, le dispositif avait du mal à reconnaître les patients d'un certain âge, notamment en ce qui concerne les vaccins BCG, mais le problème a été depuis réglé.

Il en va de même pour les difficultés liées à l'identification et à la synchronisation des données dans chaque zone sanitaire. Mais il reste un écueil à surmonter : la maintenance des outils et la formation.

Transition

Par ailleurs, il se pose, au niveau des agents de santé un problème de transition des modes manuels d'enregistrement des données (la carte de vaccination) au modèle numérique.

Les agents estiment que dans la mesure où ils sont contraints, pour l'instant, de faire cohabiter ces deux modèles, leur temps de travail s'en trouve rallongé, ce qui va à l'encontre de l'un des objectifs affichés du projet.

En outre se pose la question de la durée de vie des batteries utilisées pour le matériel mobile. De l'avis de certains agents, ces batteries ne sont pas adaptées à des zones non-électrifiées et il serait judicieux de recourir à d'autres formes d'énergie, notamment l'énergie solaire, pour assurer une meilleure autonomie de l'appareil.

Pour sa part, l'Unicef, un partenaire clé dans le projet, souhaite la mise en place d’un identifiant normatif, c'est-à-dire l'identification de chaque enfant vacciné par son nom.

Ce qui, selon l’analyse de Fidèle Marc Hounnouvi, pourrait, à terme, remédier au problème de déclaration des enfants.

Des structures en charge des programmes de vaccination souhaiteraient quant à elles, l’intégration dans les données, des fonctions pour permettre d’avoir une idée précise du nombre de flacons d’antigène utilisés sur une période de temps donnée et renseigner sur le nombre d’enfants de l’aire vaccinale réellement vaccinés, ainsi que le nombre d'enfants vaccinés appartenant à d'autres régions, ce qui participe d’une gestion rationnelle et efficiente des stocks de vaccins.

Mais le plus grand handicap qui risque de contrarier, à l'échelle du Bénin, l’extension du système au plan national et donc les ambitions de VaxTrac, reste l’absence d’une législation en matière de "biométrie de développement."

Si le Bénin dispose d’une loi encadrant l'utilisation des techniques biométriques aux fins de l'élaboration d'une liste électorale, de l'avis des experts, cette loi doit encore être adaptée au contexte du développement.

Pour le moment, VaxTrac mène ses activités sur la base d'une autorisation du ministère de la Santé et du consentement des bénéficiaires.

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