Toutes les attaques terroristes se ressemblent, tant qu’elles ne vous touchent pas directement. Les noms des endroits vous rappellent vaguement quelque chose ou pas du tout. Les morts ne sont que des chiffres, des statistiques. On soutient, on encourage par convenance ou par simple humanité. Il faut résister. Ne pas avoir peur. Il ne faut pas céder à la terreur. Il faut vivre pleinement, chaque sourire étant un pied de nez aux porteurs de morts.
Mais c’est un sentiment entièrement différent quand ce sont des lieux que nous connaissons, que nous chérissons, que nous avons l’habitude de fréquenter qui sont touchés. Sourire devient plus difficile. On se dit que sur la prochaine photo de corps ensanglanté, que les charognards de l’information diffuseront sur les réseaux sociaux à la recherche de buzz macabre, apparaîtra peut-être un faciès familier. Car plus que jamais ça pouvait être nous, un membre de notre famille, un être cher. Bassam a été touché. Bassam ancienne capitale de la Côte d’Ivoire a crépité, non pas sous les joyeux pétards des fêtards qui y déferlent chaque week-end pour oublier le stress de la semaine, mais sous les balles assassines des terroristes. Bassam Patrimoine de l’Unesco. Lieu de villégiature par excellence accessible à toutes les bourses. Un Abidjanais peut-il compter le nombre de fois qu’il a foulé ses sables chauds ? 22 corps se sont affalés sur ces sables hier.
Et même si on affirme que tout doit rester comme avant, on sait que rien ne sera plus jamais comme avant.
Notre vulnérabilité nous saute aux yeux malgré les messages des autorités qui se veulent rassurants. On réalise que le supermarché que nous avons l’habitude de fréquenter est bien ridicule avec ses gardiens qui se contentent de jeter un œil distrait dans les sacs des femmes avant de les laisser passer, alors qu’une ceinture explosif peut confortablement tenir sous les vêtements de n’importe qui. Alors que les voitures qui entrent à qui mieux mieux peuvent être piégées.
On sent un nœud dans la gorge quand on pense à nos enfants à l’école alors que leur établissement n’à qu’un vieux gardien pour toute sécurité. On pense aux marchés toujours grouillant de monde où la moindre étincelle peut devenir brasier.
On a envie de s’arracher les cheveux quand on voit des policiers agglutinés à un carrefour entrain de discuter ou de palabrer avec des chauffeurs de transport en commun « vous n’avez pas mieux à faire ? » a-t-on envie de leur crier. On se demande si l’agent au ventre bedonnant qui peut à peine lacer ses chaussures pourrait avoir une quelconque efficacité sur le terrain de Djihad.
On se sent honteux, honteux d’être ivoirien quand des esprits étriqués veulent nous ramener à des querelles de Pro Gbagbo et pro Ado !
On sait bien qu’elles font de leur mieux avec les moyens de bord mais on se sent quand même écœuré quand les autorités nous disent qu’elles étaient informées d’une attaque imminente et que c’est leur bonne préparation qui a permis de limiter les dégâts à 14 civils tués. 14 personnes. Enfants de, pères de, sœurs de…. On se demande ce qu’il serait advenu s’il n’y avait pas eu de préparation. On se demande aussi combien de personnes tomberont lors de la prochaine attaque avant que la bonne préparation ne fasse ses effets. Ils seront les enfants de qui ? Les pères de qui ? Les sœurs de qui ?
Mais surtout on prie que Dieu protège notre pays qui n’a que trop souffert, qu’Il soit clément et aide le bien à triompher du mal.